Chronique

Gaël Horellou

Dalonaz

Gael Horellou (as), Nicolas Beaulieu (g), Florent Gac (elp), Emilie Maillot (perc, voc), Vincent Aly Beril (perc, voc), Fredo Ilata (perc), Guillaume Vizzuty (perc)

Label / Distribution : Absilone

Troisième album de Gaël Horellou avec son gang de Réunionnais. Depuis sa rencontre avec le brillant guitariste insulaire Nicolas Beaulieu il y a plus d’une dizaine d’années, le projet jazz-maloya « Identités » s’affine dans une sarabande dansante et émancipatrice à souhait. Les intentions mélodiques du saxophoniste boppeur d’excellence sont ravageuses, tant dans les thèmes, somptueux d’émotions contrastées, que dans les solos qui sont autant d’histoires d’amour et de liberté. L’instrument le dépasse : il chante, danse, embrasse, embrase, prêche quelque part… avec une malice narquoise faussement maniérée qui résonne comme un pied-de-nez aux anciens (voire actuels) maîtres de La Réunion, une sorte d’irrévérence pleine de respect pour le « petit peuple » créole.

Loin d’imposer sa maestria, Horellou se fond dans le patrimoine musical insulaire sans renier son amour du jazz le plus authentique et exigeant. Il a encore convié l’organiste Florent Gac, avec qui il s’adonne par ailleurs à un répertoire post-bop, à participer à l’aventure : les vibrations du clavier parsèment les morceaux d’effluves gospel. Un tropisme afro-américain assumé et partagé dans une quête métisse universelle. Quant aux Réunionnais.e.s présents sur ce disque, ils font preuve d’un désir profond de partager leurs trésors mélodiques et rythmiques. La chanteuse Émilie Maillot, notamment, est confondante de justesse et sa voix profonde ouvre des horizons de métissage sans fin. Les appels et les réponses, typiques des musiques créoles, fussent-elles originaires de l’Océan Indien, relèvent bien de ces chants réclamant justice - rappelons que le maloya fut interdit de diffusion radio sur l’île jusqu’en 1981 ! Les rythmes sont autant d’invitations à la transe.

Plusieurs compositions procèdent par séquences, comme des paliers sans aucune possibilité de décompression - ainsi de la première plage « Dalonaz », qui signifie « amitié ». La production est à ce point excellente que les moindres nuances des percussions sont autant d’indices furtifs d’une modification de l’humeur d’ensemble, pouvant passer subrepticement de la joie à la mélancolie. Quand le triangle se fait quelque part leader, au milieu des rugissements du rouleur et des crépitements du caromb, une rare sensation d’égalité émerge. Quand surgit une ballade, on a la sensation d’une douce cohérence avec les battements des cœurs. Ce que joue ce groupe, c’est la vie et rien d’autre.