Palle Danielsson, la contrebasse s’est tue
Le contrebassiste Palle Danielsson nous a quitté le 18 mai 2024.
Palle Danielsson © Luciano Rossetti-Phocus Agency
Si l’on évoque Dannie Richmond on pense automatiquement à Charles Mingus, il en est de même pour Paul Motian et Charlie Haden, ainsi que pour Jack DeJohnette et Gary Peacock, ces mythiques sections rythmiques américaines ont marqué d’une pierre blanche l’histoire du jazz.
En Europe, l’un des meilleurs tandems nous venait du Nord, Jon Christensen le norvégien et Palle Danielsson le suédois. Une fois lancés à l’assaut des solistes ils devenaient redoutables, rien à voir avec un duo éclatant ou bavard, ils œuvraient de manière sous-jacente et télépathique, chacune de leurs notes s’embrassait jusqu’à former un nœud indissociable. Jon Christensen est parti le 18 février 2020, Palle Danielsson l’a rejoint le 18 mai 2024.
- Palle Danielsson © Luciano Rossetti-Phocus Agency
Le contrebassiste était né le 15 octobre 1946 à Stockholm, la musique s’offre vite à lui et la contrebasse succède au violon, une longue histoire d’amour avec cet instrument commence. De 1962 à 1966 il étudie au conservatoire de Stockholm et fait ses premiers gigs avec la crème des musiciens nordiques, le tromboniste Eje Thelin à la tête d’un quintet moderniste depuis 1961, le pianiste Bobo Stenson qui accompagne les musiciens américains de passage et celui qui deviendra l’un de ses fidèles compagnons de route, le norvégien Jan Garbarek. Son adresse à la contrebasse lui donne l’occasion d’accompagner Bill Evans au fameux club de jazz The Golden Circle en 1965 alors qu’il n’a que dix-neuf ans. Le saxophoniste Lee Konitz, le pianiste Steve Kuhn ainsi que la chanteuse Karin Krog s’ajoutent rapidement à une liste de musicien·ne·s conséquente.
Ses interventions solistes s’ancraient toutes dans un équilibre providentiel, entre effervescence et pondération.
Un phénomène déclencheur se réalise par son inclusion dans le quartet européen de Keith Jarrett en compagnie de Jan Garbarek et Jon Christensen, les deux albums Belonging et My Song enregistrés par ECM respectivement en 1974 et 1977 sont reconnus comme des sommets d’interaction musicale. La sonorité boisée et l’usage de notes exaltées à la contrebasse assoient la réputation de Palle Danielsson. Très vite son association fructueuse avec Jon Christensen va être recherchée, le duo fascine tout autant les musicien·ne·s que les publics internationaux.
- Palle Danielsson & Jon Christensen © Mario Borroni
Attentif aux œuvres de Jean-Sébastien Bach, d’Alban Berg, à la musique traditionnelle suédoise et précurseur de la world music par sa collaboration à la formation Oriental Wind du percussionniste turc Okay Temiz, Palle Danielsson a développé une façon de jouer parsemée d’intuitions clairvoyantes. Ses interventions solistes s’ancraient toutes dans un équilibre providentiel, entre effervescence et pondération. Cette évidence a fait de lui un virtuose qui apparait comme le chainon manquant entre Scott LaFaro et Paul Chambers.
Ses participations au groupe qui fit revenir Charles Lloyd sur le devant de la scène avec Michel Petrucciani dans les années quatre-vingt ainsi qu’au trio de John Taylor avec Peter Erskine dans les années quatre-vingt dix feront de Palle Danielsson un contrebassiste idyllique. Peu enclin à se mettre en avant, il forme son propre quartet avec la pianiste Rita Marcotulli, le saxophoniste Joakim Milder et le batteur Anders Kjellberg, l’album Contra Post publié en 1995 témoigne de cette union exquise.
Il est primordial de redécouvrir son articulation musicale qui épaule John Abercrombie et Enrico Rava dans l’album de ce dernier, The Plot, paru chez ECM et enregistré en août 1976 à Oslo. Les compositions « Tribe », « Amici » et « Dr. Ra And Mr. Va » expriment mieux que tout l’entente télépathique entre Palle Danielsson et son double, Jon Christensen.