Chronique

One Another Orchestra

Catherine Delaunay (cl, cor de basset), Nathan Hanson (ts, ss), François Corneloup (bs, ss), Tony Hymas (elp), Hélène Labarrière (b), Davu Seru (d), Billie Brelok (voc).

Label / Distribution : Nato

Another, l’autre, celui qui nous interroge ou qui nous inspire. Le rôle de cet orchestre ne se limite pas à enchanter et à inventer des paysages sonores captivants, il délivre des espoirs de liberté, de fraternité et affirme son profond engagement humaniste.

L’histoire s’intensifie durant le déroulement de la thématique musicale. Composante essentielle de la construction conceptuelle de cette formation, la mémoire s’y propage par les figures de Michel Portal, Lol Coxhill, Beb Guérin, Jef Lee Johnson, Sidney Bechet, Nina Simone ou Jacques Thollot. Parallèlement, les terres arides habitées par les paroles de Federico García Lorca insufflent des relents de révoltes.

La pulsation qui envahit « Voices Of The Nacfa Mountains », hérité d’un chant du Front Populaire de Libération de l’Erythrée et composé par Tony Hymas, donne l’occasion à Catherine Delaunay de s’envoler merveilleusement comme le faisait Lol Coxhill dont la composition « Charangalila » est ici superbement réarrangée par Nathan Hanson. C’est un double hommage, à Jean-Louis Comolli et Michel Portal qui se propage dans « La Cecilia », film de 1976 inspiré de l’histoire de la Colônia Cecilia au Brésil fondée par des Italiens dans les années 1890. Passé et présent se télescopent. Hier les gilets jaunes scandaient « Là, on est là ! » et en faisaient un hymne repris depuis dans les manifestations de rue, il s’enrichit ici du son épuré de la contrebasse d’Hélène Labarrière. Le plaisir de retrouver « Romance de la Guardia Civil Española », que Violeta Ferrer interpréta plusieurs fois pour nato, se renouvelle pleinement par la voix de Billie Brelok. Réorchestré, « Cinq Hops » de Jacques Thollot se mue en mini big band alors que « Move » de Jef Lee Johnson affiche de nouvelles couleurs dues aux arrangements de Tony Hymas. Le trait d’union entre l’inexorable urgence de « Kronenche » de Beb Guérin et « Waste No Tears » de Sidney Bechet, revenu en France en 1949 malgré un arrêté d’expulsion datant de 1929, renforce la puissance tragique et ses répercussions humaines.

L’ancrage symbolique de One Another Orchestra dans l’actualité musicale souligne aussi l’engagement et l’attachement des musicien·ne·s au label nato. Les récents duos de Tony Hymas avec Catherine Delaunay ou François Corneloup parlent d’eux-mêmes, ce collectif de musicien·ne·s donne en toutes circonstances le meilleur de lui-même.