Chronique

Paolo Angeli

Sale Quanto Basta

Paolo Angeli (prepared Sardinian guitar, voice)

Label / Distribution : Re Records

Il faut avoir vu Paolo Angeli préparer avec minutie son imposante guitare sarde, régler au quart de poil les petits moteurs à hélice qu’il fait parfois tourner pour qu’ils caressent les cordes, donnant ainsi un effet de bourdon, ou ajuster l’archet qui lui sert à donner à son instrument des résonances de violoncelle, pour comprendre d’où provient cette sorte de plénitude qu’on ressent dans sa musique. Non qu’il refuse le dialogue, le contact, l’échange, loin de là ! Mais la volonté de transporter toute la musique qu’il porte en lui (et quelle culture !) est si forte qu’elle doit pouvoir s’exprimer d’abord dans l’exercice du solo. D’où cette « préparation » d’une guitare déjà en elle-même porteuse de beaucoup d’harmoniques, et cette joie qu’il fait partager quand les choses arrivent, se gonflent de tendresse, de révolte ou de sourires. Si vous n’avez jamais entendu en direct Paolo Angeli, sa guitare, ses bricolages et son pull marin, et qu’il passe près de chez vous, ne ratez pas ça.

Cela dit, pour une fois (ce n’est pas toujours le cas) qu’un enregistrement rend compte du « live » et se tient à sa hauteur, profitons-en, et soulignons-le. L’astuce (et ce n’est pas péjoratif) de toutes les musiques inclassables que le jazz prend sous sa très large ombrelle, c’est qu’elles sonnent à la fois très ancien et très actuel. C’est en cela d’ailleurs que le jazz peut les reconnaître et les intégrer, car il a dû lui aussi, dès le départ, joindre les traditions les plus inscrites et les manières et instruments du maître moderne. Baska et Cose Semplici sont deux exemples parfaits de cette conjonction, au tout début du disque. Dans Mascaratu on est d’abord tourné vers des sonorités modernes, avant le retour du jeu à l’archet, doublé de pizzicati et triplé de ces fameux sons « à hélices » que j’évoquais plus haut. Final grandiose. Primavera Araba (traditionnel sarde arrangé par le guitariste) rappelle la proximité des territoires baignés par la Méditerranée, et leurs échanges permanents. Paolo Angeli y fait entendre sa voix haut perchée et légèrement nasillarde. Une musique qui voyage, mais qui sait aussi nous transporter.