Chronique

Pascal Schumacher Quartet

Bang My Can

Pascal Schumacher (vib, glockenspiel), Franz von Chossy (p), Christophe Devisscher (b), Jens Duppe (dms).

Label / Distribution : Enja Records

Voilà pas mal de temps maintenant que Citizen Jazz s’intéresse au vibraphoniste Pascal Schumacher. Un long portrait lui était déjà consacré au printemps 2004 ; il nous permettait de découvrir un musicien attachant, doté d’un solide sens de l’humour – en témoignent tous les inconvénients de l’instrument dont il dressait la liste : fragilité mécanique, limitations sonores, absence de contact direct, conséquences physiques désagréables pour celui qui en joue – et du souci affirmé d’une esthétique alliant énergie, élégance et recherche d’un vrai son de groupe, d’une cohérence collective.
A travers cet article, ce jeune Luxembourgeois (Pascal Schumacher est né en 1979) évoquait son enfance, ses professeurs et les vibraphonistes qui avaient compté pour lui, au rang desquels figurent Lionel Hampton, Milt Jackson, Gary Burton ou Bobby Hutcherson. Enfin, c’était l’occasion pour lui d’expliquer qu’il aimait finalement assez peu de choses dans le jazz, et que s’il vouait un culte à Thelonious Monk, s’il écoutait beaucoup Brad Mehldau ou Keith Jarrett, son attirance pour le rock pouvait aussi le pousser à prêter une oreille attentive à des artistes tels qu’Elvis Costello, The Bad Plus, Radiohead ou les Ecossais de Travis.
En octobre dernier, Pascal Schumacher et son quartet étaient à l’affiche de Nancy Jazz Pulsations et sa prestation réussie avait repris le répertoire de Bang My Can, son sixième album (et quatrième du quartet) en en soulignant toutes les qualités. Entouré de Franz von Chossy (piano), Christophe Devisscher (contrebasse) et Jens Düppe (batterie), Schumacher fait avec ce disque une belle démonstration de maturité et de sens de la dramaturgie dans la construction des compositions, dont les montées en tension, parfois hypnotiques, ne sont pas sans rappeler celles du défunt trio E.S.T. d’Esbjörn Svensson, autre influence clairement revendiquée. (« Water Like Stone » par exemple, une des belles réussites de l’album).

Il y a deux écoles dans l’univers des vibraphonistes – les batteurs et les pianistes – mais le dilemme est ici vite résolu tant la complémentarité entre le jeu de Schumacher et celui de von Chossy saute aux oreilles. S’il est propulsé avec conviction et efficacité par la paire rythmique Devisscher/Düppe, qui lui fournit une énergie aux confins du rock (« Elmarno » ou « 30 Little Jelly Beans »), Bang My Can fait la part belle aux interactions mélodiques du piano avec le vibraphone ou le glockenspiel. Deux personnalités trouvent ici un terrain favorable à leur expression : Schumacher, extraverti, sait révéler la force du jeu plus intériorisé, plus retenu de von Chossy. Le soin apporté aux couleurs sonores est à retenir, de même que les multiples changements de cap qui émaillent les morceaux (« No Dance On Volcano Ashes »), comme autant de rebondissements d’un scénario maintenant notre attention du début à la fin. La conversation (sur « Metamorphosis » par exemple), est un modèle du genre : les deux instruments, par instants, semblent n’en faire plus qu’un, la musique parvenant à ce stade de raffinement qu’on appelle l’élégance.

« Bang My Can », qui donne donc son titre à l’album, est à ce titre assez révélateur du potentiel d’un quartet dont les petites richesses cumulées sont nombreuses : mélodies limpides, changements de climats, surprises rythmiques, brillance des timbres, soin apporté à la mise en place des détails. Un disque tranquillement séducteur : s’il n’est en rien révolutionnaire, s’il ne pousse pas l’auditeur dans les ultimes retranchements de son confort esthétique, sa force de conviction réside dans la lumière qui s’en dégage et le pouvoir d’attraction de l’univers charmeur dont il dessine les contours.