Chronique

Patrice Caratini

Instants d’Orchestre

Label / Distribution : Caramusic

C’est chose entendue, Best-Of est un mot qui ne sied pas à Patrice Caratini et encore moins à sa musique. Best-of, ça sonne caisse d’invendus soldés ou échangés contre des points dans les stations-services. Ça induit que la musique incluse serait « le meilleur  » d’un artiste, point de vue trop péremptoire et excluant pour un musicien qui a toujours cultivé la finesse et l’ouverture. Préférons florilège : joli mot de langue française qui suggère un choix subjectif, fait dans l’instant, comme des fleurs qu’on cueille dans un jardin rempli d’essences. Rien à voir avec les pompes évoquées plus haut.

Ceci n’est donc pas un best-of. Pas même une anthologie. Ce sont des Moments d’Orchestre, glanés au fil de vingt ans dans les enregistrements successifs de quatorze musiciens à géométrie plus ou moins variable. Il y a des invités, bien sûr : il y en a toujours eu, de Marc Ducret et Sara Lazarus en 2000 autour d’un hommage à Cole Porter (intense « My Heart Belongs to Daddy  ») à Christophe Monniot. On trouve dans ce disque ses indéboulonnables tauliers, comme André Villéger à la clarinettes et Denis Leloup au trombone - magnifique dans « Ory’s Dream  » enregistré en 1999 au Studio Gil Evans d’Amiens, la maison de Label Bleu. Dans l’aventure, se trouvent aussi les musiciens qui ont grandi avec Cara, la génération des David Chevallier (« Atlanta  » en 2013 au Parc Floral, extrait du spectacle Body and Soul) ou Matthieu Donarier qui brille dans « From The Ground – Temps 1  », tiré d’un disque du même nom qui reste un modèle d’équilibre entre une approche libre et contemporaine et un attachement à l’histoire du jazz, omniprésente.

Instants d’Orchestre est surtout le témoignage d’une belle aventure loin d’être terminée. Le quotidien de ces grands formats est toujours une gageure, et Caratini la tient avec passion et une certaine modestie. Naturellement, sa contrebasse est présente, sensible aux tâches mélodiques et toujours liée au jeu très fluide du batteur Thomas Grimmonprez. Sa direction est là aussi, souple et attentive aux autres comme à la pulsation. Sa patte créative s’illustre dans de subtils arrangements (« East End Blues  ») et quelques incartades latines ou caribéennes. Mais jamais il ne prend un solo ou ne tire la couverture à soi. L’important c’est le groupe et sa dynamique, et c’est ce qui transparaît dans ce fort bel album qui s’étend comme le concert imaginaire d’une grande famille. Bon anniversaire, monsieur Caratini.

par Franpi Barriaux // Publié le 7 janvier 2018
P.-S. :

Patrice Caratini b, dir, comp), André Villéger (as, cl), Matthieu Donarier (ts, cl), Stéphane Guillaume (ts, cl), Rémi Sciuto (as, bs), Christophe Monniot (as), Clément Caratini (cl), Claude Égéa, Pierre Drevet (tp), François Bonhomme (cor), Denis Leloup (tb), François Thuillier, Bastien Stil (tu), Alain Jean-Marie, Manuel Rocheman (p), David Chevallier, Marc Ducret (g, bj), Thomas Grimmonprez (dms), Sebastian Quezada, Javier Campos Martinez, Inor Sotolongo (perc), Sara Lazarus (voc)