Chronique

Charrier / Pontvianne / Tessier

Shan

Pascal Charrier (g), Julien Pontvianne (ts, cl), Ariel Tessier (dms)

Label / Distribution : Autoproduction

On sait que le guitariste Pascal Charrier porte un intérêt particulier à l’âme des peuples et au dialogue ; au sein du Kami, son orchestre à géométrie variable, c’est une part importante de sa musique. Aussi est-ce avec beaucoup d’intérêt que l’on découvre Shan, nouveau trio qui ajoute à ce son de guitare si particulier et entêtant (« La Neige devient torrent ») deux des artisans les plus pointilleux de la jeune scène française, le batteur Ariel Tessier et le multianchiste Julien Pontvianne. Ensemble, ils n’abordent pas l’humain mais son biotope, la masse minérale et intangible qui fait son environnement, à l’instar de « Lumières de l’eau », dont l’expression tient du haïku : un trait de guitare, un souffle comme un torrent du massif des Maures en plein été et quelques ponctuations lointaines de tambour. Un orage qui ne viendra jamais.
 
Mais si la civilisation semble absente de Shan, comme un calque que l’on aurait ôté pour mieux s’intéresser à l’indicible, les animaux eux, sont omniprésents. Non qu’ils soient dénués de conscience, mais sans doute font-ils davantage corps avec la nature. Ainsi « Ce que voit l’aigle » permet au trio de s’élever, de se faire plus ample aussi, dans une sorte de point d’orgue naturaliste. La guitare de Charrier, proche du mantra, est bien portée par la légèreté de Pontvianne pendant que Tessier structure un sol aride et heurté, chaque envolée semblant porter plus haut une musique qui refuse toute grandiloquence.
 
Pascal Charrier a bien choisi ses compagnons pour cette aventure. Ariel Tessier a déjà goûté de cette aridité avec Enzo Carniel ou même Matteo Bortone où il côtoyait d’ailleurs Julien Pontvianne. Ce dernier, très influencé par la musique contemporaine, a déjà démontré sa passion pour l’infiniment petit et les éléments au sein de WATT ou de l’AUM grand ensemble. Ici, dans « Le Chant de la pluie », la guitare sans effet superflu s’échappe d’un maelstrom patiemment construit qui forge comme un cycle. Le trio parvient à nous offrir une musique où l’indolence et la tension se mêlent dans un même mouvement, avec beaucoup de poésie.

par Franpi Barriaux // Publié le 12 juin 2022
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