L’ONJ relance Plurabelle à la radio
COVID doesn’t kill the radio stars
C’était un temps fort de la saison et une promesse de longue date de l’Orchestre National de Jazz de Frédéric Maurin, dont on a compris depuis ses débuts qu’il serait à géométrie variable. La COVID aura eu raison de sa représentation publique, mais s’il y avait à peine une vingtaine de personnes dans l’auditorium de la Maison de la Radio [1], il était diffusé en direct dans l’émission d’Yvan Amar sur France Musique et donc écoutable pendant de nombreuses années, avant que la version filmée n’arrive. Un peu de baume au cœur dans ces temps difficiles.
Pour les 100 ans d’André Hodeir, critique et violoniste français, l’idée s’imposait de rejouer sa mythique cantate Anna Livia Plurabelle, tirée d’une œuvre de James Joyce. C’est Patrice Caratini, qui l’avait déjà republiée en 1994 chez Label Bleu [2], qui dirige quinze ans après cet orchestre de 22 pupitres à l’instrumentation un peu folle (les deux vibraphones, Stéphan Caracci et la prometteuse Aubérie Dimpre, en sont un exemple parmi d’autres) et deux chanteuses, Ellinoa et Chloé Cailleton, dont l’alliance promettait beaucoup et tient au-delà des espérances : avec beaucoup de justesse et la science du placement qu’on leur connaît, elles ont emmené un orchestre qui semblait aborder Plurabelle avec une gourmandise méritée, passant de tableau en tableau avec une grande fluidité. Dans la « Forme libre conçue comme une grande improvisation », Anna Livia (Chloé Cailleton) et la Lavandière (Ellinoa) s’offrent des joutes précises et enflammées qui prennent d’autant plus de consistance que l’orchestre se joue de l’évidente complicité des chanteuses. On en oublie aussitôt qu’il s’agit d’une première.
Il ne reste plus qu’à espérer une tournée pour vivre ça en vrai.
La version bilingue, que l’on découvre à l’occasion de cette production, offre une lecture plus pugnace, et donne surtout à certains solistes l’occasion de s’exprimer, à commencer par le violoniste Robin Antunes. Mais c’est Catherine Delaunay qui livre la facette la plus impressionnante de Plurabelle, s’attachant au texte, jouant au chat et à la souris avec les chanteuses. Le pari de Frédéric Maurin et de Patrice Caratini, ainsi que celui de toute l’équipe, est largement rempli. Il ne reste plus qu’à espérer une tournée pour vivre ça en vrai. La décision ne tient qu’à la ministre de la Culture, présente à la représentation, ou à ceux qui décident de l’avenir des salles et des stratégies vaccinales.