Chronique

Patrick Artero

Artero Brel

Patrick Artero (tp), Giovanni Mirabassi (p), Dominique Cravic (g), Gildas Boclé (b), Jean-Paul Minali-Bella (vln), Sabine Tavenard (fl), Thomas Savy (cl), Julien Hardy (basson), Julien Chirol (tb), Minino Garay (perc), Daniel Garcia Bruno (dm), Thierry Chauvet (perc), Anne Alvaro (voc), Vincent Artaud (arr)

Label / Distribution : Nocturne

À part Renaud Séchan, on ne voit pas bien qui le jazz n’a pas récupéré. Artero/Brel est, avec Le Duo Plays Brel, un des premiers disques entièrement dévolu à l’Homme de la Mancha, mais les reprises de ses thèmes éternels ne datent pas d’hier. On citera comme exemples les plus représentatifs, Nina Simone et Charles Lloyd pour deux versions distinctes de « Ne me quitte pas ».

Disons-le d’emblée, ce « projet » [1] semble manquer sa cible. La question n’est pas tant de savoir si Brel et le jazz sont faits pour cohabiter mais plutôt quelle intention Patrick Artero a voulu mettre dans ces relectures certes très soignées. On peut tout à fait admettre ce parti pris d’arrangements (trop ?) bien léchés, confiés à Vincent Artaud sur une majeure partie du disque. On peut concevoir que les gouttes de sueurs du grand Jacques tonitruant, « soulevé par quelques femmes », ne soient pas convertis en hurlements cuivrés. On peut encore admettre la luxuriance de certaines orchestrations exotiques, bien éloignées du « plat pays ». Mais on est en droit d’être déçu devant l’absence de réelle ligne directrice, de vibrations prolongées.

On tend certes l’oreille sur l’introduction de « La mort » où les ostinatos de piano font penser à Magma (!). La contrebasse de « Jaurès » sonne comme celle de Jimmy Garrison sur « Africa ». « Amsterdam » frôle l’émotion mais on se perd quelque part, « le long des berges mornes » - et surtout d’une prise de son qui lisse tout relief et aseptise le lyrisme.

Ce n’est certes pas de gaieté de coeur que l’on affiche de la déception pour un pareil projet, un pareil casting. Mais au delà de ce sentiment, la question initiale finit par se reposer : Le jazz ne serait il plus capable de ne faire que dans l’hommage ? Le jazz est il devenu la seule forme musicale respectable pour honorer nos artistes populaires ?

par Julien Lefèvre // Publié le 19 février 2007

[1Le terme semble désormais consacré, comme si la musique ne devait plus se cantonner au cercle étroit de l’instant où elle se crée mais pointer dans la même direction que la flèche du temps, d’un passé craint vers un avenir espéré radieux.