Scènes

Rīgas Ritmi dans les jardins lettons

Retour sur l’édition 2023 du festival Rīgas Ritmi


Raimonds Pauls et le Sinfonietta Rīga (D.R.)

Chaque début juillet, la vieille ville de Riga se pare de vêtements de jazz. Cette année, la 22e édition n’a pas failli à la règle avec une programmation essentiellement dans les jardins de la cathédrale et des jams qui clôturaient chacune des soirées.

Le jardin de la cathédrale de Riga est un bel endroit qui convient parfaitement pour accueillir un festival de jazz. Les organisateurs ne s’y sont pas trompés et l’endroit contribue à donner un beau cachet à cet événement. Le lieu, confiné comme un cloître, est essentiellement fait de briques rouges. Seul le mur auquel la scène est adossée est surmonté d’un ensemble néoclassique. La scène était entourée de deux écrans. Au vu de la jauge - six cents places - ça ne se justifiait pas, d’autant plus qu’on voit et qu’on entend très bien de part et d’autre du jardin.

Reste que les organisateurs, depuis 22 ans maintenant, mettent les petits plats dans les grands. Aussi le Rīgas Ritmi fait-il partie de ces grands rendez-vous jazzistiques de l’espace baltique, comme le sont les festivals de Tampere ou de Tallinn.

Yilian Cañizares - Rigas Ritmi 2023 - D.R.

Le soin apporté à l’organisation va bien au-delà des seuls concerts du soir. Māris Briežkalns, directeur artistique du festival, défend bec et ongles les workshops qui caractérisent le Ritmi. Le terme est suffisamment vague pour pouvoir inclure des éléments disparates et cette année Charles Pasi, Yilian Cañizares et Jacob Gurevitsch s’étaient prêtés à l’exercice.
Pasi et Gurevitsch ont présenté leurs parcours personnels et musicaux, leurs choix d’instruments - les harmonicas diatoniques plutôt que le chromatique pour Pasi, la guitare espagnole pour Gurevitsch - et répondu aux questions de l’auditoire. Yilian Cañizares a consacré la seconde partie de son workshop à une improvisation à partir d’un traditionnel letton, initié par deux chanteuses, harmonisé au piano par une troisième tandis que le reste de la salle, chroniqueur inclus, était aux percussions. Ainsi, indépendamment de la forme que prend le workshop, il s’agit d’un moment d’échange entre le public et des musiciens renommés.

Childo Tomás - Rigas Ritmi 2023 - D.R.

Mais ce sont les concerts du soir dans les jardins de la cathédrale qui sont le cœur du festival. Cette année, tout a commencé avec Yilian Cañizares en trio avec Childo Tomás à la basse et Inor Sotolongo aux percussions. La musique était bien entendu mâtinée de multiples influences, à l’instar de ce que revendique par ailleurs la violoniste et chanteuse cubaine. On y trouvait pêle-mêle des éléments de musiques africaines, de musiques classique et traditionnelle cubaines, d’improvisations, de chansons. Tout un panel dont la tendance générale était à la transe. Le concert de Charles Pasi suivait dans un registre de chansons blues-rock - l’harmonica, la Telecaster, la basse électrique étaient d’ailleurs, avant même que le concert ne débute, des signes qui ne trompaient pas.

Le lendemain c’est le trio de Jacob Gurevitsch qui foulait en premier les planches. Le guitariste danois a donné un concert en neuf morceaux, tous de sa propre écriture, dans un registre fortement mélancolique, voire nostalgique. Le parti pris de jouer quasi exclusivement en mode mineur - au point d’y consacrer un morceau « Elevation in Minor » - y contribuait de manière essentielle. Le trio - Gurevitsch y était accompagné par les frères Sjelberg - terminait avec « Lovers in Paris » aux accents romantiques.

Raimonds Pauls - Rigas Ritmi 2023 - D.R.

Mais l’événement le plus fort était sans conteste le concert de Raimonds Pauls puisque le pianiste - 87 ans et figure majeure de la scène lettone - proposait un concert en compagnie d’un orchestre symphonique. D’ailleurs, à peine avait-il mis un pied sur la scène que le public l’accueillait par un tonnerre d’applaudissements et une standing ovation. Le Sinfonietta Rīga, sous la direction de Normunds Šnē, donnait en outre un volume considérable et les compositions de ce pianiste, qui a entre autres beaucoup écrit pour le cinéma, prenaient ainsi un cachet que les familiers de la musique de Michel Legrand auraient trouvé familier.

La clôture du festival fut au Noass, un lieu fondamentalement différent. Il fallait d’ailleurs traverser l’immense Daugava, qui coupe la ville en deux, pour accéder au bord de l’eau dans une friche mi-industrielle, mi-bucolique. Ce lieu, à l’aspect volontairement underground, était parfait pour accueillir la musique de M.A.S.A., un quartet local, bourré d’électronique, versé dans l’improvisation collective et amenant son auditoire dans un éventail de sons allant du moelleux et du velouté à des moments carrément énervés.

Restait ensuite à Jason Hunter, trompettiste américain installé en Estonie depuis presque dix ans, et son Quartet Baltic, à clore le festival avec le professionnalisme des grands. Ce fut bien sûr le cas puisque le groupe a déroulé avec beaucoup de classe et de groove un répertoire dans une veine tantôt néo hard bop, tantôt West Coast.