Chronique

Joachim Govin

Elements

Joachim Govin (b), Tony Tixier (p), Ben Van Gelder (as), Gautier Garrigue (dms).

Label / Distribution : Fresh Sound Records

Voilà une petite dizaine d’années qu’on croise assez régulièrement le nom du contrebassiste Joachim Govin. D’abord avec Laurent Cugny, dans l’orchestre de jazz de la Sorbonne, où il a rencontré, parmi d’autres, Tony Tixier. Du reste, il participe depuis quelque temps à La Tectonique des Nuages et au Gil Evans Paris Workshop du même Cugny. On l’a aussi croisé avec son saxophoniste de père, Pierre-Olivier Govin, mais aussi Manuel Rocheman et Joël Allouche pour un projet autour de Toninho Horta. Il a joué avec les frères Enhco, Didier Lockwood, Aldo Romano, Enrico Pieranunzi… Une carte de visite de sideman plutôt fournie qu’il continue d’enrichir aux côtés d’Arnaud Dolmen ou encore de Logan Richardson, dont la rencontre fut décisive.

Qualifier son jeu, c’est d’abord comprendre qu’il est volontairement peu démonstratif et privilégie la précision harmonique et rythmique pour toucher à l’essentiel. Un peu à la manière de Jimmy Garrison ou Ben Street, deux instrumentistes qu’il affectionne particulièrement. Dans ces Elements dont la couverture est un clin d’œil à Blue Note, on prend son temps, sans esbroufe, à l’image de « You Know I care » ou de « Elements ». Si les tempos des morceaux ne sont pas particulièrement lents – on trouve plus souvent des mediums que des ballades – l’ambiance générale est au calme. Et quand la rythmique s’affole un peu (« Blind Jealousy Of A Paranoid »), le registre est plus introspectif, voire mystique. Dans cette veine, le quartet revisite, en deux interprétations différentes, « Expression » de Coltrane. Cette composition, au demeurant rarement reprise, y est comme filtrée pour en capter la mélodie, à l’instar d’un nectar. Un hommage sans aucun doute.

Aux côtés de Joachim Govin, on trouve Tony Tixier et Gautier Garrigue, avec lesquels il a déjà partagé de nombreux projets. Une évidence selon lui. Et puis Ben Van Gelder, un saxophoniste néerlandais installé maintenant à New York. On comprend qu’il s’agit d’un choix esthétique fort. C’est d’ailleurs lui qui introduit la plupart des thèmes, dont le très beau « Cycles » qu’il a composé pour ce projet. On perçoit dans son jeu Lee Konitz et surtout Mark Turner, deux saxophonistes avec lesquels il revendique une parenté. Même économie de notes, même manière de souligner certains accents de la mélodie. Et, pour ce qui concerne Turner, la même virtuosité.

Dans ce disque où tout est mûrement construit, les éléments – entendons par là le feu, la terre, l’eau et l’air – constituent un clin d’œil au quintet avec lequel Miles Davis enregistra Sorcerer en 1967. Mais au-delà de cette allusion, on comprend que le titre de l’album est avant tout programmatique : les éléments se combinent et se lient. Et pour finir, tout se déroule comme une vaste contemplation.