Chronique

Raptor Trio

Western Edges

Pablo Calogero (bs), John Lindberg (b), Joe LaBarbera (dms)

Label / Distribution : Clean Feed

Si l’évocation du contrebassiste John Lindberg fait immanquablement penser à la mouture mythique du quartet de Braxton des années 80 avec Crispell et Hemingway, le trio est avant tout sa marque de fabrique. Bien sûr avec le String Trio of New York (Billy Bang au violon et James Emery à la guitare), et plus récemment le BC3 avec Kevin Norton et Wendell Harrison sorti sur le label Clean Feed. C’est la même maison qui accueille quasi simultanément ce nouveau Raptor Trio qui réunit des figures du jazz étasunien, penchant exceptionnellement vers la côte Ouest. Joe LaBarbera, ancien accompagnateur de Bill Evans, propose un drumming élégant et sans emballement tandis que le saxophoniste Pablo Calogero, uniquement au baryton, clôt un triangle dépourvu de pointe véritablement saillante mais à la forme résolument mouvante. Les musiciens assument les tâches rythmiques conjointement ou à tour de rôle ; voilà qui donne à « Rumble Paint » un mouvement frivole et libre où la batterie se montre d’une grande inventivité.

Cet orchestre est à l’image du rapace [1] qu’il entend incarner : léger lorsqu’il s’agit de flotter ou de tournoyer au plus haut du ciel, où l’oxygène se clairsème. Aussi agile que l’archet de Lindberg. Mais également capable en un instant de fondre droit au sol bec en avant, avec une certaine agressivité qui s’exprime dans le tonique « T’wixt D and E » où le souffle sablonneux du baryton se densifie pour mener les débats avec une grande poigne. Sur Western Edges, Pablo Calogero signe deux titres, dont le magnifique « Ashoka » en ouverture d’album. L’alchimie qui naît de leurs échanges est une essence rare, à la fois complexe et sophistiquée, sans néanmoins perdre de sa légèreté et d’une certaine évanescence.

Le Raptor Trio, c’est surtout l’histoire de trois vieux compagnons dont l’amitié est endurcie par le tanin de l’âge. Ils se retrouvent instruments en main comme d’autres s’invitent à partager un repas. L’évidente décontraction, l’aisance de la parole et la taquinerie ambiante n’empêchent pas un goût du travail bien fait et de la camaraderie. L’orfèvrerie de « The Great Escape », dialogue chaleureux entre Lindberg et son saxophoniste vite rejoints par un LaBarbera qui va à l’essentiel, en est le parfait exemple. Western Edges est l’album de jazzmen qui ont sédimenté l’expérience jusqu’à en faire une matière douce et malléable. Un rafraîchissant cocktail de tendresse et de délicatesse, sans sucre ajouté.