Chronique

Frantz Loriot & Christoph Erb

Wabi Sabi

Frantz Loriot (vla), Christoph Erb (ss, bcl)

Label / Distribution : Veto Records

Déjà apparu dans la collection Exchange chère au label Veto Records et au multianchiste Christoph Erb, l’altiste Frantz Loriot est de ceux qui se plaisent dans l’univers sonore du musicien de Lucerne. Dans une atmosphère proche de ses expériences avec Sean Ali et Carlo Costa (Natura Morta), Loriot propose avec Erb une lecture très personnelle des concepts zen ou typiquement japonais, dans une ouverture totale à tous les sons. Ainsi « Kawaï » où Erb à la clarinette basse caresse la lente translation de l’archet ; c’est le silence d’abord qui accueille cette évocation de la mignonnerie, comme un dessin en creux, une machinerie souterraine propice à fabriquer du rêve.

Tout ceci est allusif, à la frontière du sensible, comme souvent lorsqu’Erb favorise cette clarinette basse où il excelle. L’amalgame des timbres avec l’alto est magnifique, surtout lorsque Loriot passe au pizzicato, influant sur l’urgence (« Shibusa »). On entre alors dans une approche plus directe, qui travaille la matière davantage que l’éther, dans des morceaux comme « Yohaku-No-Bi » qui est assez clairement le pivot de cette rencontre. Passé au soprano, Erb joue des clés pendant que l’alto emplit l’espace. Là aussi, ce concept de la beauté du vide prend les choses à rebours ; le duo aborde ce morceau comme s’il était le contenant d’autres instants plus arides, comme ce « Wabi Sabi » qui donne son nom à l’album, ou encore « Gutai » au souffle volcanique, au sens d’une lente coulée de lave que rien n’arrête.

Avec Yasumune Morishige, Erb et Loriot avaient largement développé cette aridité que l’on entend ici. Mais l’urgence et la virulence sont aussi des cartes que ces musiciens aiment jouer. Avec le puissant « Yabo » où le violon alto ronfle comme un moteur nourri par les sifflements des anches, avec cette puissance entêtante qui plonge l’auditeur au plus profond du son, le duo renoue avec cette approche qui a fait les belles heures de la collection Exchange qui, après Castle & Sun, ne cesse de se renouveler.

par Franpi Barriaux // Publié le 12 mai 2024
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