Chronique

René Bottlang

Buenos Aires

René Bottlang (p)

Label / Distribution : Meta Records / Socadisc

Écouter un nouvel enregistrement de René Bottlang, c’est comme retrouver un vieil ami dont on était sans nouvelles : une heureuse surprise mêlée à un plaisir de ressentir du renouveau. Au début des années quatre-vingts, René Bottlang marquait le paysage musical en enregistrant deux albums en solitaire au piano pour OWL Records avec le soutien du producteur visionnaire Jean-Jacques Pussiau. C’est de nouveau face à un piano très bien enregistré qu’il nous revient aujourd’hui, avec ce toucher fin et empreint de néo-classicisme. Mais ne nous y trompons pas, les effluves de blues se font jour au fil des morceaux.

Une grande culture musicale emmagasinée depuis des décennies se libère au fil de ces quinze pièces enregistrées, le plus surprenant étant que sept de ces morceaux sont des impromptus. C’est véritablement un tour de force car pour l’auditeur la musique coule de manière très naturelle. Tous les airs se succédant révèlent avec force le jeu mélodieux de René Bottlang et son sens de l’harmonie d’une beauté éclatante. Arriver à un tel état de grâce ne tient pas seulement au travail inlassable du pianiste mais bien avant tout à sa curiosité constante qui l’a conduit à voyager dans ce pays immense qu’est l’Argentine. Il décide alors d’un enregistrement à son arrivée à Buenos Aires et d’un second en fin de périple, avant de quitter la capitale et le pays.
Le disque est donc baptisé logiquement Buenos Aires, mais nulle trace de folklorisme ou d’un tango imaginaire ; aucune tricherie : ce sont bien les couleurs, les personnes rencontrées, la cuisine locale, les paysages ainsi que les sons qui deviennent dépositaires d’une expérience intense que ressent tout voyageur éclairé, la différence sensible étant que ce sont les dix doigts du pianiste qui nous révèlent ces univers.

Par le biais de deux compositions qui ne sont pas de son crû, René Bottlang a convié pour notre plus grand bonheur deux figures majeures du vingtième siècle, Bob Dylan avec « Blowing in the Wind », ritournelle mille fois entendue mais qui se renouvelle ici de manière étonnante et Charles Mingus dont le « Nostalgia in Times Square » surgit alors soudainement et merveilleusement dans une improvisation. Tout au long de l’album, cette musique agit sur l’étendue de notre sensibilité et pas seulement sur l’intellect. À l’image d’un arbre bien solide, René Bottlang nous offre de nouvelles pousses qui apportent leur lot de belles surprises et de vitalité organique.