Chronique

Andrea Grossi Blend 3 + Jim Black

Axes

Manuel Caliumi (as, bcl), Michele Bonifati (g), Andrea Grossi (b, cl, albanian lahuta), Jim Black (d, perc)

Label / Distribution : We Insist !

De la musique de chambre à la musique urbaine, il n’y a qu’un pas que franchit cet album transcendant. L’évolution artistique de ce trio se constate par une expérience collective faite de partitions ciselées qui aboutissent ici à une éloquence démoniaque.

Il faut se replonger dans les albums du trio Blend 3, composé par le leader Andrea Grossi, Manuel Caliumi et Michele Bonifati, avant de s’imprégner de ce disque réalisé avec Jim Black. Non pour mesurer le fossé qui peut séparer une musique intimiste de celle-ci qui fait intervenir les percussions, mais pour comprendre que le trio initial, bien rodé, se devait de franchir ce cap décisif. Lubok, publié en 2019, confirmait la pleine maîtrise harmonique des trois musiciens, « Prologue » ébauchait une abstraction sonore alors que « Mendicus ( Part 2 ) » flirtait du côté des trios de Jimmy Giuffre. En 2022, le délicieux Songs and Poems avait déjà entamé un élargissement artistique en conviant la chanteuse Beatrice Arrigoni : « SnailTale » confirmait la propension du trio à diversifier les thématiques.

La suite en quatre actes Axes est le phénix de l’album, diversifiée et empreinte d’une ambiance où de pâles lueurs succèdent à l’obscurité. « Game » permet à Blend 3 de lâcher prise, chacun des instrumentistes se jette dans la fournaise avant de s’engouffrer dans le tunnel sonique d’« Interlude ». Attentif, Michele Bonifati esquisse des couleurs ondoyantes chères à Bill Frisell qui étreignent la mélancolie menaçante de « Coda ». En digne héritier de Tim Berne, Manuel Caliumi déverse un flot de notes poignantes qui culminent dans « BadAxes ». Le tonnerre éclatant se manifeste avec la science percussive de Jim Black qui a trouvé en Andrea Grossi son partenaire accompli. La contrebasse est souveraine, énergique et lyrique à la fois, elle est déterminante, témoin l’enchantement qu’elle procure dans l’élégiaque « Riddle ».

Tout à la fois féroce et émouvant, Axes procure une allégresse constante, à l’image des fleurs indicibles dessinées par Maria Borghi qui ornent la pochette de l’album.

par Mario Borroni // Publié le 12 août 2024
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