Chronique

Sekhmet

Te Shii es Tah

Vincent Glanzmann (dms), Sara Käser (cello), Raphael Loher (p)

Label / Distribution : Veto Records

Avec Kasho’Gi, le batteur suisse Vincent Glanzmann avait montré son goût pour les univers étranges, saturés d’électricité, gavés de noirceur, en compagnie d’un quartet d’habitués du label Veto Records qui est décidément le meilleur thermomètre de cette pétulante scène alémanique. Son trio Sekhmet peut, au premier abord, paraître résolument différent. Avec la violoncelliste Sara Käser, dont l’univers très contemporain s’expose dans « Khshnash », petite merveille d’abstraction à l’archet, Glanzmann est moins virulent. Le propos de Te Shii es Tah, titre nébuleux qu’on pourrait penser japonais - Glanzmann est né à Tokyo - mais qui semble n’appartenir a aucun langage connu, est absolument improvisé. Les solistes laissent libre cours à une alternance de tensions et de quiétude, comme ce « Liv » où les cymbales caressées rivalisent de stridences lointaines avec le violoncelle.

Raphael Loher, qui a également beaucoup travaillé pour des compositeurs contemporains, ferme le trio. De Lucerne à l’instar de ses compagnons, le pianiste a joué avec Gerry Hemingway, dont l’ombre plane sur un morceau comme « Esever »  : tous les sons deviennent rythmes et ne sont pas l’apanage du seul batteur. Le piano est fouillé dans ses entrailles, l’archet rebondit sur les cordes et Glanzmann n’a qu’à souligner le propos par un jeu très percussif. A plusieurs reprises, on songe à ce qu’Hemingway créait avec Graewe et Reijseger, à l’instar de « Tohet », l’un des deux longs titres où Sekhmet prend le temps de développer ses différentes interactions. Au delà, les morceaux sont courts, contrastés mais emplis de cette noirceur qui caractérise la musique du batteur.

Sekhmet est le nom d’une déesse égyptienne qui incarnait la puissance du mal. Une force solaire et destructrice. C’est sa part d’ombre qu’expose ici le trio, dans un échange infernal qui trouve dans « Clerte O Gun » son point d’orgue, doté d’une violence soudaine. Intéressante nouvelle facette de la scène suisse qui est ici livrée brute, sans notice préalable mais qui se découvre avec grand intérêt.