Chronique

Sidony Box

Pink Paradise

Manuel Adnot (g), Elie Dalibert (as), Arthur Narcy (dms)

Label / Distribution : Naive

Quelques mois seulement après la sortie d’un excellent premier disque éponyme chez Yolk, ce trio nantais récidive avec des compositions et une dynamique qui s’inscrivent dans la continuité de Sidony Box, à savoir une musique franche, énergique et raffinée. Point de redite, cependant, puisque les musiciens, loin de revenir sur leurs pas et de se complaire dans une formule éprouvée, continuent de creuser leur sillon et d’affirmer leur(s) son(s) de groupe tout en explorant de nouvelles formes. Tantôt les thèmes sont exploités dans l’urgence (« TMNT »), tantôt ils émergent d’une matière sonore travaillée à vif par ces trois artisans. C’est, entre autres, ce qui les différencie de nombre de power trios dont la préoccupation première est de fournir de l’intensité, souvent au détriment de l’expressivité. Ici, la densité ne semble jamais préméditée, comme si d’un ciel étoilé on pouvait faire naître une pluie de météorites. La guitare de Manuel Adnot tient le rôle central, par la mise en place de motifs autour desquels se dessinent les morceaux ou par son extraordinaire palette d’ambiances, qu’elle superpose parfois au moyen d’overdubs parcimonieux. « Tatooine » est ainsi une longue montée en puissance autour d’un riff de guitare qui surgit peu à peu d’une matière sonore faite de grincements de cymbales, de nappes psychédéliques et de percussions à même la guitare, sur lesquels le saxophone serein d’Elie Dalibert impose sa belle sonorité.

Si cette architecture, moderne et basée sur une belle maîtrise de l’improvisation, se retrouve à plusieurs reprises au long de l’album, la démarche artistique du groupe se caractérise aussi par la spontanéité et l’énergie brute, avec çà et là des plages plus sereines, voire contemplatives. La pureté, la nudité de « Léman » contrastent avec l’épaisseur électrique de « Wilson », qui le précède. Cette longue parenthèse aérée qui joue son rôle dans la structure globale de Pink Paradise a le charme d’une rêverie au petit matin après une nuit agitée. Le guitariste y exploite le registre grave de son instrument à la façon d’un contrebassiste soulignant à l’archet le discours aérien d’un soliste. Les accords subtils apparaissent et disparaissent comme une vision lointaine sous l’effet de la chaleur, puis tout se met en place, comme si l’on se rapprochait d’une image que les percussions discrètes et les susurrements fragiles du saxophone finissent par rendre tangible.

Le trio trouve alors un juste équilibre entre ses influences pop-rock et les paysages inspirés qu’il prend le temps de mettre en musique. La batterie tour à tour coloriste et tellurique d’Arthur Narcy n’est pas étrangère à la variété des climats et, des caresses aux balais de « Pink Paradise » aux rythmes puissants de « Suédois », elle impose une pulsation intelligente sans cesse renouvelée. L’« Ultimate Pop Song » qui clôt l’album réduit la pression et sonne comme une invitation à se replonger dans l’univers singulier et rafraîchissant de ces trois musiciens talentueux.