Chronique

Aaron Goldberg

The Now

Aaron Goldberg (p), Reuben Rogers (b), Eric Harland (dms), Kurt Rosenwinkel (g)

Label / Distribution : SunnySide Records

C’est à se demander, tout de même, si l’on n’attend pas un peu trop des musiciens. Pourquoi subsiste-t-il, tout au long de ce disque, un goût d’inachevé ? Pourtant la qualité de jeu est là, évidemment. Il y a de bonnes idées, des passages où le trio joue une belle musique, tout en partage. Mais il reste un delta entre les propositions faites et l’idée qu’on s’en fait a priori.

Pourtant, le titre de l’album affiche les intentions d’Aaron Goldberg. The Now. Le présent, l’instant. Ce qui renvoie inévitablement au live, à l’ambiance des clubs ou des festivals. D’ailleurs cela prête un peu à confusion car les photos utilisées pour la pochette (recto et verso) sont prises en club, au Village Vanguard sauf erreur. Alors oui, en partageant avec les musiciens un espace et un moment, cette musique a toute sa valeur. Sauf qu’il s’agit d’un album studio, sans le charme du concert, mais dépourvu également de l’effort de mise en forme que font beaucoup d’artistes pour qu’un album ne soit pas seulement la même chose qu’un set, mais en plus terne. De plus, il y a une sorte d’incohérence entre des esthétiques qui se veulent actuelles et une construction d’ensemble quelque peu datée. Le recours aux ballades pour quelques respirations, les moments forts où le trio desserre la bride, les morceaux latins (« Yoyo » et sa fin admirablement prise en charge par la seule rythmique), tout cela nous renvoie aux productions des années 50. C’est jeune en surface mais vieillot en profondeur. Dommage.

Vraiment dommage, oui. Car il s’agit là d’un album tout à fait honorable, et l’on se prendrait presque à devenir enthousiaste. Mais justement. Ces beaux solos, cette rythmique sautillante et précise, ces thèmes bien écrits ou bien choisis donnent envie d’entendre mieux encore. D’autant qu’au démarrage du disque (« Trocando em Miudos »), le pianiste égraine des notes en laissant beaucoup d’espace tandis que Reuben Rogers et Eric Harland semblent bouillir en fond, prêts à faire basculer à tout moment cet équilibre fragile. Cela reste pourtant de l’ordre de la tentative, car le développement du morceau ne réserve pas de surprise. Sur l’ultime morceau, la guitare de Kurt Rosenwinkel apporte avec sa sonorité travaillée une couleur intéressante, magnifiquement portée par le trio. On se dit alors qu’on devrait vous conseiller ce disque, tout de même. Mais sans en être véritablement convaincu. Sûrement parce qu’on attend trop de ces musiciens.