Chronique

Sophia Domancich & Simon Goubert

You Don’t Know What Love Is

Sophia Domancich (p), Simon Goubert (dm)

Label / Distribution : Cristal Records

Deux musiciens en présence, avec en commun l’espace né de la rencontre, de l’association de deux personnalités, deux histoires, deux vécus confrontés et cumulés. Le tout supérieur à la somme des parties. Hologramme musical, le duo contenu dans l’individu et l’individu contenu dans le duo ; deux musiciens transcendés par l’écoute mutuelle, l’interaction.

Ce tête à tête musical semblait si naturel qu’on l’attendait avec impatience. Partenaires en musique depuis longtemps, le couple Sophia Domancich et Simon Goubert ne pouvait que nous offrir un moment de grâce tant leur complémentarité et leur science de la musique sont évidentes. Ils explorent ensemble un univers nourri de leur personnalité et sensibilité propre, propulsée par une entente qui va au-delà des mots. Un monde qui leur doit tout, issu de leur association et de leur interdépendance, fait d’échanges et d’écoutes, de symbiose, l’un ne pouvant exister sans l’autre qui l’alimente.

La musique semble couler de source. Le piano anguleux et la souplesse mélodique de la batterie, le lyrisme étrange de Domancich et les puissantes cymbales de Goubert, magnifient chaque pièce. Ces musiciens savent manier les silences, ces respirations indispensables, et les fulgurances pour développer leurs improvisations sur des compositions de haute volée.

Celles-ci sont ici complétées par un standard (« You Don’t Know What Love Is », tout un programme) et deux favoris de la pianiste : d’abord le « Lonely Woman » d’Ornette Coleman, tout en lyrisme empreint de mélancolie, de surprise, de suspens, avec un Goubert, tout en retenue, dans une version moins cubiste que celle figurant sur Washed Away [1], puis « The Seagulls Of Kristiansund » (Mal Waldron – sorte de grand frère spirituel), porté par la batterie délicate et le jeu à la fois détaché et habité de Sophia Domancich.

Dix pièces pour une grande leçon de mise en valeur du temps et de l’espace, et qui créent une musique pétrie de dramaturgie. Un bijou en forme de plaidoyer pour le partage.

par Julien Gros-Burdet // Publié le 1er février 2010

[1Album enregistré aux côtés William Parker et Hamid Drake (Marge - 2009).