Jazz en Scènes 2008 : Nantes
Pour la 10e édition de Jazz en Scènes, le Pannonica (Nantes) programmait un double concert avec en première partie le quartette de William Helderlin, originaire de l’Yonne, suivi du trio DAG, autrement dit Sophia Domancich, Jean-Jacques Avenel et Simon Goubert.
L’idée est de présenter dans de nombreuses salles françaises des concerts présentant une tête d’affiche et un jeune talent régional. L’originalité vient de ce que ce dernier ne se produit pas dans sa région d’origine mais bénéficie d’un échange entre les salles participant au festival. Ainsi, pour cette 10e édition, le Pannonica programmait un double concert avec, en première partie le quartet de William Helderlin, originaire de l’Yonne, suivit du trio DAG, autrement dit Sophia Domancich, Jean-Jacques Avenel et Simon Goubert
Autour du jeune saxophoniste William Helderlin, un guitariste, Grégory Teyssier, un contrebassiste Bruno Schorp et Olivier Hestin à la batterie. La musique du quartet est originale : l’écriture y a une place importante, les solos sont courts. On est frappé par le style du leader (d’une belle originalité) et notamment par la construction de ses interventions. Tout semble très pensé, très réfléchi. La musique, posée, manque un peu d’ardeur par moments mais Helderlin conçoit parfaitement son jeu, que ce soit au ténor ou au soprano. Il en ressort un véritable plaisir d’écoute, à cent lieux de la démonstration instrumentale. A ses côtés, Olivier Hestin est le socle du groupe. D’une grande maîtrise à la batterie, sachant lancer le débat, soutenir le soliste ou proposer des pistes rythmiques, il peut également se faire discret. Lui aussi écrit, et plutôt bien à en juger par une de ses compositions jouée lors de ce concert. Schorp et Teyssier sont ici plus en retrait, cantonnés au rôle de soutien. La guitare crée des paysages sonores, se fait rythmique mais laisse la place aux saxophones pour les grandes envolées. Quant à la contrebasse, elle navigue entre les lignes complexes du saxophoniste, les motifs rythmiques de la six cordes et la batterie de Hestin. Au final, une belle découverte malgré l’impression que les musiciens ont un peu de mal à se libérer.
- Jean-Jacques Avenel © Patrick Audoux/Vues Sur Scènes
La seconde partie s’annonçait délicieuse avec, au programme, un des plus beaux trios offert par la scène française de ces dernières années. DAG, c’est la rencontre de trois musiciens importants du jazz européen : Sophia Domancich au piano, Jean-Jacques Avenel à la contrebasse et Simon Goubert à la batterie. Leur premier disque nous avait émerveillé par l’entente entre les trois compagnons, la liberté et la fraîcheur de leur musique. On avait donc hâte de les découvrir en concert. Celui-ci débute par « As Usual », de Steve Lacy, un des nombreux partenaires de route d’Avenel, un maître dont on ressent l’influence au sein de ce trio. C’est un peu un hommage au parrain, à son esprit empreint de liberté lyrique. L’interaction entre les trois musiciens est d’emblée éclatante. Jean-Jacques Avenel nous prouve une fois de plus quel musicien incroyable il est. Ce premier morceau est comme un résumé du concert qui va suivre : plaisir de jouer, musique en toute liberté, idées apportées par chacun des trois musiciens. Est-il surprenant de constater que la seule reprise du concert (et du disque) soit de Lacy ?
Après une belle version de « Soliloque », Sophia Domancich prend le micro pour annoncer les morceaux et les musiciens. Puis vient un petit échange amusant, tout en répartit et humour, à l’image de la personnalité de DAG : Domancich cherchant le nom du troisième morceau, se tourne vers Goubert et Avenel qui discutent. Elles les interrompt en leur jetant gentiment un « vous parlez quand je parle ! », ce à quoi répond plein de perspicacité Jean-Jacques Avenel « on joue bien pendant que tu joues ! »… tout est dit.
Ce fameux troisième morceau est « Pour Vous, » magnifiquement introduit par un long solo de Avenel, d’un lyrisme éblouissant. Le public est subjugué par la maîtrise dramatique et mélodique du contrebassiste. Cette introduction en solo de Avenel est suivie par une Sophia Domancich toujours aussi captivante. Son jeu est d’une liberté surprenante, d’une science rythmique et mélodique impressionnante.
- Sophia Domancich © Patrick Audoux/Vues Sur Scènes
Le morceau se termine comme il a commencé, par un solo, d’Avenel cette fois, et à l’archet. En quelques minutes, on prend une leçon de musique dispensée par un maître et ses amis. Le concert passe vite, trop vite. Il se clôt sur « Pourquoi pas » et « Surface de réparation » qui nous permettent d’admirer la musicalité et la science mélodique de Goubert, notamment. L’introduction sur « Pourquoi Pas » lui permet d’étaler sa science de la frappe, du décalage rythmique, des couleurs qu’il étale devant nous.
- Simon Goubert © Hélène Collon/Vues Sur Scènes
Applaudissements nourris, sourires partagés, soupirs de plaisir généralisés. Le rappel est l’occasion d’enfin entendre une composition de Jean-Jacques Avenel, « Canoë ». Le concert se termine en beauté.