Scènes

African Jazz Roots aux Nuits d’Ô

Le quartet de Simon Goubert et Ablaye Cissoko à Montpellier, le 27 août 2015.


Photo @ Gérard Boisnel

Comme chaque année ont eu lieu au mois d’août Les Nuits d’Ô à Montpellier, festival de musique et de cinéma en plein air. A l’occasion de la soirée « Sénégal - France », African Jazz Roots, quartet mené par Ablaye Cissoko et Simon Goubert est venu pour un concert envoûtant, à la chaleur communicative.

Le cadre était particulièrement propice à se laisser emmener dans un beau moment de musique. Sous les arbres de la grande pinède du Domaine d’Ô, de longues tablées appellent au pique-nique ou à l’apéro, face à la scène. Les musiciens gagnent celle-ci ; la nuit tombe à peine et la lune se lève derrière eux.
Goubert et Cissoko ouvrent le bal, seuls pour l’instant. Le feutré de la kora nous plonge aussitôt dans une douceur de coton, une atmosphère onirique qui apaise aussitôt le public. Derrière sa batterie et son mur de cymbales, Simon Goubert joue sa caisse claire à la main dans un accompagnement aussi doux et fin que son compère. Ablaye Cissoko, quant à lui, captive par son charisme. Droit sur son siège, kora sur les genoux, il envoie des nuées d’arpèges en restant parfaitement impassible. Les yeux fermés, en toute immobilité malgré la fougue de son jeu et la passion qui s’évade de ces notes jouées par grappes. Une concentration bouddhique.

Montent sur scène Sophia Domancich qui s’installe au piano, et Jean-Philippe Viret à la contrebasse.
De longues plages modales, très africaines et pleines de transe, sont ponctuées par des interludes aux harmonies jazz qui viennent surprendre par leur richesse. Puis la transe reprend, et finit par faire l’effet d’une persistance auditive quand on croit encore entendre l’ostinato de basse pendant le solo de batterie.

Sophia Domancich et Simon Goubert (par Yann Bagot)

Dans « Spirit Wall », morceau plutôt calme et grave construit sur la ligne de basse de « Spiritual » de Coltrane, Domancich prend un chorus où toute la rage est sous-jacente. Un bouillonnement intérieur qui n’est que suggéré - donc encore plus puissant - et incroyablement repris par Simon Goubert qui l’accompagne avec l’exacte même retenue. Pendant ce temps, Cissoko à la kora a les mêmes tricks qu’un guitariste de jazz, autant quand il soutient un solo que lorsqu’il improvise lui-même.

Goubert attaque seul le dernier morceau, où il ne joue que sur ses fûts en donnant l’effet d’un orchestre de tambours. De roulements en polyrythmies, il joue sur les timbres et leurs résonances, dans une expression très mélodique. Le charley rentre, puis le timbre de la caisse claire, une cymbale, et le jazz est là ; le lien est fait. Introduction captivante à un titre assez hard bop au cours duquel Sophia Domancich citera une fois de plus les phrases d’Ablaye en les jouant en dehors de l’harmonie. Lui, brille encore par son assise rythmique impeccable, sa vélocité et le relief de son jeu.

Plusieurs fois dans la soirée, Goubert et Cissoko ont rendu hommage à deux grands percussionnistes africains ; Doudou N’Diaye Rose et Vieux Sing Faye, disparus tour à tour pendant le mois d’août, en leur dédiant leur musique.
A la suite de ce beau concert était projeté « Afrik’aïoli », film de Christian Philibert, en plein air dans l’amphithéâtre du Domaine d’Ô.