Chronique

Stephan Micus

Thunder

Stephan Micus (percus, voix)

Label / Distribution : ECM

L’expérience paye toujours. Stephan Micus vient de fêter ses soixante-dix printemps mais rien ne le stoppe dans sa démarche conceptuelle. Il enregistre Thunder , son vingt-cinquième album paru chez ECM. L’aventure partagée avec le label munichois dure depuis 1977 avec une sérénité que peu d’artistes peuvent revendiquer.

Thunder est axé sur un travail élaboré avec des instruments planétaires dont une large part est consacrée aux régions himalayennes : le Ladakh, le Zanskar ou le Népal n’ont guère de secret pour Stephan Micus. Le dung chen, cette longue trompe de quatre mètres, est mis en avant ainsi que le ki un ki, instrument à vent qui révèle des sonorités semblables à celle d’une trompette ; enfin le nakhan, une flûte japonaise, se fait entendre dans les moments les plus méditatifs.

Loin de s’arrêter à ces pays, notre aventurier solitaire est constamment en quête d’instruments traditionnels venus des quatre coins du monde. Sa palette sonore varie aisément d’un disque à l’autre, ce qui témoigne de son éclectisme qui mêle les cultures les unes aux autres. Stephan Micus travaille longuement en re-recording, donnant ainsi du sens à ses divers climats élaborés. Il n’est pas seulement un musicien accompli mais surtout un aventurier qui voyage dans les divers pays afin d’y approfondir sa connaissance instrumentale. De Bali à Bénarès en passant par le Japon, ce sont des univers sonores qu’il assimile.

L’album est constitué de dédicaces où les dieux et la mythologie ont une place centrale. Les développements harmonieux s’enchainent avec une cohésion parfaite comme dans « A Song for Thor » dédié au dieu du tonnerre, vénéré dans le monde germanique ; on entend là plusieurs dung chen, avec ce timbre similaire au cor des Alpes, toujours utilisé en Suisse. Le shakuhachi est mis en avant dans « A Song for Raijin » ; le souffle s’étire avec finesse. La plénitude nous envahit avec le gracieux « A Song for Shango », dédié à la divinité yoruba, où Stephan Micus envahit l’espace avec de nombreuses superpositions vocales : l’exaltation est totalement réussie. La voix mélodieuse et chaleureuse intervient également avec un épanouissement magique dans « A Song For Ishkur ».

Stephan Micus mérite plus de reconnaissance : rien en lui ne doit au hasard, sa méthodologie est réfléchie et loin de toute world music fourre-tout. C’est un folklore imaginaire qui nous envahit. Avec son savoir, ce musicien bavarois a créé un univers d’une richesse infinie.

Cette musique, vivante et fruit d’heureux mariages séculaires, nous la devons à un musicien explorateur qui n’a pas encore rangé son sac à dos.