Chronique

Tamara Lukasheva

Patchwork Of Time

Tamara Lukasheva (voc), Sebastian Scobel (p), Jakob Kühnemann (b), Dominik Mahnig (d).

Label / Distribution : Double Moon

À chaque fois que je découvre une excellente chanteuse, j’imagine que ma joie est comparable à celle d’un astrophysicien découvrant de nouvelles exoplanètes. Tamara Lukasheva n’a pas froid aux yeux et, encore moins, la voix cassée : elle envoie !
Voix puissante, ductile, presque cuivrée lorsqu’elle pousse ses fortissimos. Née à Odessa, Tamara Lukasheva chante en anglais ou en ukrainien, sa langue maternelle. Son quartet offre un jazz ouvert, c’est-à-dire des compositions qui privilégient parfois le swing mais, le plus souvent, empruntent les sentiers plus escarpés de l’audace. Bref, Tamara Lukasheva ne fait pas comme tout le monde (comme un album de standards pour imposer sa voix avant de chercher sa voie), elle ose. Par exemple, mettre ensemble des éléments de musique traditionnelle ukrainienne et des arrangements jazz ou des influences de musique classique contemporaine (« Berdovichko »).

Avec « Ich Weiss Nicht », morceau complexe, presque déstructuré, elle offre une nouvelle manière de « scatter », très éloignée du bop. Retour à des cieux plus « cléments », avec la sublime mélodie (on dirait une musique de film pour une comédie dramatique française) « Nicht – Film – Musik ». Elle nous gratifie de vocalises rien qu’à elle sur un titre purement swing, « Integration ». Idem sur un tempo beaucoup plus soutenu avec d’intenses variations (« A Patchwork Of Time »). Tamara Lukasheva a d’innombrables facettes que l’on retrouve chez peu de chanteuses, ne serait-ce qu’en raison de ses influences d’Europe centrale. La chanteuse, qui a composé l’ensemble de cet enregistrement, illustre une nouvelle fois l’idée selon laquelle le jazz est la musique d’accueil de tous les « ailleurs ».