Chronique

The Smudges

Song & Call

Jeff Gauthier (vln, elec, fx), Maggie Parkins (cello)

Label / Distribution : Cryptogramophone/Orkhêstra

The Smudges est un trio à cordes constitué de deux musiciens : la violoncelliste Maggie Parkins (sœur de Zeena, jumelle de Sara, cousine d’Andrea pour les férus de généalogie) et le violoniste Jeff Gauthier (époux de sa collègue de bureau pour les amateurs de potins). Trio parce que le pied de monsieur pilote bien au-delà de l’anecdotique une multitude de samples, effets et boucles. Bien que le couple se soit formé il y plus de 15 ans à l’occasion d’un enregistrement du très discret mais prolifique guitariste de Los Angeles Nels Cline, c’est seulement en 2022 qu’ils se décident à réaliser un disque ensemble.

Parkins et Gauthier ont assurément un parcours bien jalonné par la musique classique, mais comme beaucoup de musiciens américains, ils n’ont aucun problème ou complexe à aller puiser dans toutes sortes d’esthétiques (ce qui, de l’autre coté de l’Atlantique, vaut l’excommunication - certes parfois méritée par manque de goût). À l’écoute de l’album, on traverse, toujours de manière fugace et subtile, des paysages baroques, électroniques, contemporains, improvisés, traditionnels, monodiques, dodécaphonistes, bruitistes… mais le catalogue est vain : le duo a tellement digéré ses influences et appétences que tout s’amalgame de manière extrêmement naturelle. Les morceaux sont si riches que, comme des test de Rorschach, chaque auditeur y entendra ses résonances intimes. La musique de The Smudges chante et raconte. L’amatrice de film d’horreur que je suis a cru reconnaître des réminiscences de la partition de Richard Band pour Re-Animator (« Matter of Time ») et de celle de Harry Manfredini pour vendredi 13 (« release »), mais mes névroses me sont toutes personnelles et il y a peu de chances que d’autres entendent les mêmes choses que moi.

Le mélange des styles initié au début du XXè siècle par les superpositions de Charles Ives, poursuivi dans les années 80 par les alternances/zapping de John Zorn, continue son évolution depuis quelques années (et particulièrement sur la côte ouest avec notamment Trey Spruance) dans une recherche d’unification/digestion. Une sorte de mondialisation stylistique dans le bon sens du terme, une ouverture simple et généreuse en dehors de tout mainstream. C’est la grande réussite de The Smudges et ce qui fait de Song and Call un grand disque.