Chronique

The Volunteered Slaves

Breakfast in Babylon

Olivier Témime (ts, ss), Emmanuel Duprey (cl), Jérôme Barde (g), Arnold Moueza (perc, voc), Akim Bournane (b), Julien Charlet (dms), Philippe Bussonnet (b)

Réduire Olivier Témime à une attitude iconoclaste et à une crête savamment étudiée sur le haut du crâne est une erreur ; c’est oublier avant tout qu’il est l’un des saxophonistes ténor les plus élégants de l’Hexagone. Impliqué dans les Volunteered Slaves, groupe baptisé en hommage à Roland Kirk, il délivre une musique enthousiasmante et volontairement ancrée dans une sonorité groove seventies.

Au fil des années et des concerts, il s’est complètement fondu au sein du combo après en avoir été le leader désigné pour continuer à insuffler une énergie de groupe, et faire vivre une musique qui, au-delà de l’exercice de style, s’inscrit dans une vraie direction musicale, servie par un septet compact et tirant dans le même sens. Témime au cœur de la machine, sans doute là où il se sent le mieux, marche un peu plus dans les pas de Joe Henderson - celui de Fat Albert Rotunda (Herbie Hancock). Il éclabousse de talent chacun des morceaux en mettant son timbre puissant au service d’une efficacité volontiers luxuriante, que ce soit au ténor ou au soprano. Il faut parfois se référer à la pochette pour se persuader que le disque n’est pas issu de la collection Columbia Classic…

Plus encore que sur le précédent album (Streetwise), Breakfast in Babylon se fond dans la perpétuation d’une musique qui jette des ponts entre jazz, funk et musiques urbaines d’Afrique avec une candeur propre à ceux qui fusionnent sans arrière-pensées. Les douze pièces jouées et très souvent composées par les membres du groupe - le bouillant Jérôme Barde - en tête, servent le plaisir simple de l’efficacité pulsatile, notamment grâce à la puissance de la rythmique : le remarquable Akim Bournane à la basse et Julien Charlet à la batterie, plus Arnold Moueza aux percussions. Ce dernier joue aussi le rôle de chef de chœur quand « les hommes » échauffent leur voix sur des morceaux aux sons d’Afrique fantasmée.

Le choix d’Eric Legnini et de Vincent Artaud comme réalisateurs de l’album est significatif : grands connaisseurs de pop tout en étant issus du monde du jazz, ils ont conçu avec les Volunteered Slaves un disque zébré de références et de clins d’œil qui va et vient sans cesse entre le jazz et ses planètes connexes ; si celle-ci parlent des langages différents, c’est cependant pour marteler le même message : « Black is Beautiful. »

Disque hybride, Breakfast in Babylon respecte à la lettre la maxime de Hancock : « Mieux vaut faire du funk avec des musiciens de jazz que l’inverse ». Ce n’est pas un hasard, dès lors, si les meilleurs morceaux sont ici des reprises de grandes figures de la black music américaine - Prince et son « Controversy » ou bien le morceau de bravoure de l’album, le petit bijou des Jackson Five « I Want You Back », où le sax mutin de Témime semble se caler sur le souffle d’un sixième imaginaire… un allié de poids pour un voyage dans le temps !