La rentrée des Grands Formats 2009 : jazz, échanges et musique à Vendôme
Une journée de rencontres sur le thème des relations entre les orchestres de jazz et les collectivités territoriales, organisée à Vendôme le 9 octobre 2009 par l’association Grands Formats.
Pour sa rentrée, comme de coutume, « Grands Formats » a organisé un concert de deux de ses membres, le « Diagonal » de Jean-Christophe Cholet et le « Duke Orchestra » de Laurent Mignard. Cette manifestation habituellement parisienne a cette fois pris la route du Loir-et-Cher pour se poser à Vendôme, dans le magnifique Théâtre de l’Hectare. Un choix qui n’avait rien de fortuit.
Grands Formats [1] est une association qui, au-delà de la structuration autour de la diffusion et la promotion des orchestres de jazz en grande formation, assure une fonction de ressources et d’information auprès de ses adhérents sur l’ensemble des questions juridiques, économiques ou projectives qui sont souvent la base invisible d’un projet artistique serein. Un orchestre peut ainsi s’inscrire dans la durée et surtout, même si c’est l’évidence, jouer sur scène et enregistrer des disques.
Le choix de délocaliser la rentrée de Grands Formats en région est avant tout l’expression d’un principe de réalité. Sur les 26 orchestres membres, la moitié sont financés par des collectivités locales, dont dix en région - n’en déplaise aux édiles jacobines qui pensent le jazz uniquement dans quelques clubs parisiens. Beaucoup de musiciens s’épanouissent en région et y trouvent les structures nécessaires pour se développer. La preuve : l’Hectare, le théâtre de Vendôme, et son équipe motivée accueillent régulièrement des orchestres en résidence, tel l’X’tet de Bruno Regnier. C’est avant tout une question de volonté - politique, n’ayons pas peur des mots. C’est d’ailleurs Jean-Rémy Guédon, Directeur artistique d’Archimusic et vice-président de Grands Formats qui le dit : « On programme plus de jazz quand on est plus militant, pas quand on a plus de moyens. »
- Christophe Lavergne © Franpi Barriaux
Dans une période où la « crise économique » semble être l’alibi universel du délabrement des budgets nationaux alloués à la culture, où la recherche de financements devient de plus en plus un parcours du combattant administratif entre l’ensemble des partenaires territoriaux et nationaux, loin des motivations artistiques, des musiciens souhaitent se lancer dans ce que la fédération appelle une « généreuse folie » : l’aventure des grandes formations. Il était donc nécessaire de poser une réflexion commune autour des « relations entre les collectivités territoriales et les orchestres de jazz » afin de favoriser l’échange entre artistes et financeurs, et d’ébaucher des pistes de réflexion sur le positionnement du jazz, musique actuelle souvent ignorée des SMAC [2] et victime des étiquetages et des positionnements - entre musique populaire et savante, notamment.
C’est ce qui a amené Grands Formats à se réunir à Vendôme avec la FNCC [3] pour réfléchir à cette question cruciale qui, au-delà du soutien à la création, pose la question de la programmation et, plus prosaïquement, de la politique culturelle - voire éducative - de tout un territoire et de son aménagement. Comme l’a parfaitement résumé Daniel Chaize, élu à Montreuil : « Mener une politique culturelle, ce n’est pas répondre à une demande des électeurs mais proposer une programmation éclectique de qualité » à l’unisson d’un directeur de théâtre : « Il faut construire dans la durée. Un public, ça se forme… ».
Déclarations de principe ? C’est sur le terrain que se juge ce subtil mélange de dialogue, de réalités, de mise à la disposition de salles ou de lieux de résidence à conquérir, investir, développer… Un travail transversal illustré notamment par le Collectif lillois CRIME [4] et son expérience à la Malterie… Si le contexte est de plus en plus difficile pour les orchestres et la diversité musicale, le public, lui est là ; d’où l’intérêt de ces fructueuses « journées ». D’ailleurs, ce public était également présent le soir, tant pour le « jazz de répertoire » de Laurent Mignard, qui a voué son orchestre à la perpétuation de la musique d’Ellington, qu’à la remarquable prestation de l’orchestre Diagonal de Jean-Christophe Cholet qui revisite dans son spectacle « French Touch » la musique française du début du XXe, d’Éric Satie à Henri Chatau [5].
- Vincent Mascart © Franpi Barriaux
Les compositions de Cholet, comme en écho aux discussion du jour, jubilent entre musique savante et populaire sous forme de suites, de digressions sensibles servies par d’excellents musiciens, notamment une section de cuivres foisonnante [6], le batteur Christophe Lavergne tout feu tout flamme et un David Venitucci toujours époustouflant de sensibilité à l’accordéon. Une chose est sûre : « Grands Formats » ne signifie en aucun cas formaté…