Chronique

Jarret / Soro / Tessier

Sweet Dog

Paul Jarret (g), Julien Soro (ts), Ariel Tessier (dms)

Label / Distribution : Autoproduction

Onze nuances de canidés. Le chien dans tous ses états  : méchant, joueur, athlétique, explosif, turbulent, affectueux, doux, sale, farceur, offensif ou gourmand. Voilà ce que nous propose le power trio emmené par Paul Jarret dans une autoproduction très soignée disponible sur son bandcamp. Sweet Dog, c’est la rencontre fort égalitaire entre le guitariste de PJ5, ici dans un registre plus mordant, et le saxophone ténor de Julien Soro qui assume parfaitement un rôle chahuteur, en particulier sur l’intense « Crazy Dog  » où il affronte une guitare grasse et contondante. Le duel, central dans l’album est encadré et soutenu par la batterie d’Ariel Tessier qui clôt le triangle avec un jeu totalement ouvert qui va de la frappe lourde comme la course d’un chien de défense (« Hot Dog », où les pulsations s’accompagnent du grondement diffus des cordes) et l’effleurement plus raffiné qui paradoxalement renforce tout le dispositif de tension (« Arctic Dog », qui longe parfois les franges du silence et où chaque heurt sur la caisse claire présage des rages à venir).

Entièrement improvisée, la rencontre entre les musiciens est une belle surprise tant il y a un véritable équilibre trouvé entre les solistes. A ce titre, le long « Noisy Dog » est sans doute le morceau le plus intéressant, tant il emprunte de directions différentes. Au départ c’est juste un frottement, presque indécelable ; une tenue à l’arrêt, où les muscles se tiennent prêts dans une concentration extrême. Chaque geste a son importance, un tressaillement implique un repositionnement complet, la tension est à son comble jusqu’à déborder en son milieu en de complexes entrelacs que la guitare enflamme d’un riff entêtant. D’un chien perdu, on dirait qu’il divague. Ici, nous dirons que les musiciens font plutôt feu de tout bois. Et que Soro montre les dents pour mordre les jarrets. Bien entendu.

On le sait tous, les propriétaires de chiens argueront toujours que le leur est gentil. Il faut néanmoins rester sur ses gardes. Car tout pataud qu’il puisse paraître, c’est d’abord un redoutable prédateur. « Sweet Dog » en fin d’album est à cette image, le ténor de Soro est devenu presque lyrique et chaleureux, mais Jarret en quelques lignes lointaines vient semer un doute, une ombre indélébile. Voici l’attitude tenue de bout en bout par le trio qui nous propose une œuvre râblée et musculeuse qui deviendra indubitablement un disque de garde.

par Franpi Barriaux // Publié le 18 février 2018
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