Thomas Savy
French Suite
Thomas Savy (clar b), Bill Stewart (dr), Scott Colley (cb)
Label / Distribution : Plus Loin Music / Abeille Musique
C’est le propre des coups de génie, ils sont imprévisibles, soudains et déroutants.
Voici Thomas Savy, saxophoniste, clarinettiste ; on le connaissait fiable, concentré, mélodiste et coloré. A l’aise dans les grandes formations comme les plus petites, il jouait, discrètement… aux côtés de nombre de musiciens. Peut-être préparait-il cette magnifique et surprenante suite française.
Tout concourt à la surprise : le format du disque (proche du 45-tours), le livret, l’enregistrement à Brooklyn avec deux des rythmiciens les plus exigeants du jazz contemporain (Scott Colley à la contrebasse et Bill Stewart à la batterie), l’instrumentation en trio clarinette basse – batterie – contrebasse ; les compositions – la suite est divisée en sept parties auxquelles s’ajoutent deux standards, « Come Sunday » et « Lonnie’s Lament », et le son.
La clarinette basse a ceci de particulier qu’elle produit des sons à la dynamique impressionnante. Encore faut-il les sortir. Encore faut-il les inventer. Savy improvise en volutes, tranchantes, raffinées. Il nous fait découvrir cet espace qui est le sien, un univers contrôlé, à la fois subtil et sauvage, un son qui puise sa technique dans le classique, prend ses couleurs dans le bop, chauffe comme un lézard au soleil. Pourtant, quel défi ! Car ils sont nombreux à l’attendre au tournant, les clarinettistes.
Sa musique est ferme, précise, colorée. Sur les tempi rapides, la rythmique fait un travail admirable pour pousser vers l’avant, éclabousser chaque fin de phrase, relancer la suivante. Sur les ballades, elle le laisse puiser jusqu’à son dernier souffle, pour achever ses notes magnifiques.
C’est principalement le son qui classe French Suite dans les meilleures surprises du moment. Certes, la clarinette possède déjà une sonorité propre, chaleureuse et imagée ; mais Thomas Savy prouve ici à quel point il en maîtrise l’embouchure, combien il sait sculpter l’air de façon unique. On sent une maturité s’exprimer, celle d’un homme responsable, retenu, contemplatif. Celle d’un sacré musicien.