Chronique

Trio L. Rom invite Chris Hayward

Semeurs de Rêves

Lionel Romieu (oud), Jean-Yves Abecassis (b), Jean-Philippe Barrios (dms), Chris Hayward (fl)

Label / Distribution : Autoproduction

En ces temps irrespirables où l’on regarde avec dédain ceux qui fuient la guerre et traversent les Balkans pour rejoindre l’Europe, où l’on hausse les murs comme corollaires aux miradors, il est de bon aloi que des musiciens rappellent que les traditions ne valent que si elles sont ouvertes, qu’elles n’ont de sens qu’en se frottant aux autres pour en traduire un nouveau langage. C’est le travail auquel s’attelle le joueur de oud Lionel Romieu, figure reconnue de la musique non sédentaire, tel qu’il a défini son trio L. Rom. Un orchestre qui pourrait à lui seul raconter les échanges incessants entre le pourtour méditerranéen et l’Europe Centrale et les liens solides qui relient l’Euphrate au Danube. Il suffira de quelques rythmiques impaires sur « Poire Acajou », où le son boisé de la contrebasse de Jean-Yves Abecassis croise les percussions de Jean-Philippe Barrios pour s’en convaincre.

L’orchestre range son périple perpétuel sous le patronage de l’insatiablement curieux Nicolas Bouvier, grand écrivain voyageur cité dans les notes de pochette. Suivant ses pas, les trois musiciens ne cessent de collecter les expressions pour en chercher les traces d’universalité. La démarche fera songer à d’autres trios comme Bey.Ler.Bey ou l’illustre Hadouk Trio, auquel on pense immédiatement sur « Ugo Ak III ». A l’instar du groupe de Malherbe, L.Rom a une partie de ses racines qui plongent dans le rock. Cela se perçoit dans « La traversée du fleuve » ou dans les citations de la contrebasse empruntées aux Beatles (« Jazztik »).

L’invitation du flûtiste Chris Hayward, compagnon régulier de Renaud Garcia-Fons, contribue à cette identité nomade qui lorgne vers le rock progressif sans jamais y baigner totalement. C’est une teinte lointaine dans « Les semeurs de rêve » lorsque la flûte discute avec Abecassis avant de l’entraîner dans une danse échevelée. « Čoček Rom », où Hayward troque ses flûtes pour le kaval, est le sommet d’un album qui célèbre la joie de jouer sans ce soucier des frontières. Une bouffée d’air.