Chronique

Willem Breuker Kollektief

Out of The Box

Label / Distribution : BVHAAST

Le saxophoniste et remarquable arrangeur Willem Breuker, figure libertaire du jazz européen, nous a quittés en 2010, 36 ans après avoir fondé son orchestre mythique, le Willem Breuker Kollektief (WBK). Celui-ci lui aura survécu deux ans, jusqu’au 31 décembre 2012, où un concert d’adieu fut donné par ses compagnons les plus fidèles parmi lesquels le tromboniste Bernar Hunnelink ou le bassiste Arjen Gorter, que l’on retrouve dans la plupart des onze disques parus dans le coffret Out of The Box. Il contient, pour la première fois, ce fameux concert de 2012 qui sonne comme une fête crépusculaire pleine d’émotion. On n’enterre ni les armes ni les chefs d’orchestre. « Antelope Cobbler », titre fanfaron, rend magnifiquement hommage à la capacité de dynamiter les codes et de jouer avec eux dans un respect de ces traditions qu’il est nécessaire de maîtriser pour savoir les déconstruire. A entendre cette liesse posthume et débridée, on songe aux formations que le WBK a influencées et nourries : Tous Dehors, le Surnatural Orchestra voire d’autres horizons à l’instar de De Kift qui se sera inspiré de l’aspect poétique, populaire et surtout théâtral (« Klerekijer » avec le chant de Loes Luca et Peter Bolhuis).

C’est un trésor que cette petite boîte grenat. D’abord parce qu’elle est abondamment documentée par un livret à spirale où les témoignages en image s’intercalent avec des textes d’analyse (en anglais et néerlandais). On s’arrêtera notamment sur le point de vue de l’universitaire Alan Stanbridge qui souligne la théâtralité de l’orchestre de Willem Breuker. On en aura quelques exemple dans ce concert suédois de 1978 (Umeå 1978) totalement inédit. Au-delà de son statut de joyau du coffret, il valide le propos de Stanbridge : « les solos sont un mélange complexe de pastiche, d’ironie, de trivialité et d’anxiété ». On ne saurait dire mieux des interventions du trompettiste Boy Raaijmakers et de Breuker lui-même à l’alto sur le célèbre « Conditione Niente », trépidant manifeste de l’espièglerie des cuivres. Les lives ont la place belle dans la sélection opérée par le label BVHaast qui a toujours soutenu le travail de la « famille » Breuker, dans une acception déjà fort moderne de la notion de collectif. Outre cet événement scandinave, on trouve Angoulême 1980 récemment paru chez Fou Records [1] et bien sûr ce Happy End de 2012. Mais le WBK étant avant tout un ensemble destiné à la scène et au spectacle, on retrouve çà et là de nombreuses captations. On songe, sur Songs and More, à l’incroyable et absolument inédite version de « Sur l’autoroute », captée en 1981 à Amersfoort avec Rob Verdumen à la batterie et l’époustouflant Marteen van Norden au saxophone ténor.

Le choix pour Out of The Box ne s’est pas fait sur la base des albums, ni même dans une volonté chronologique. La vertu indiscutable du WBK, c’est la performance. Le happening. Moult photos dignes de bateleurs présentes dans le coffret en sont la preuve. L’anthologie s’est portée sur des œuvres comme autant de disciplines, ou d’actes spectaculaires. C’est ainsi que les chansons sont regroupées entre elles, tout comme les cordes ou les Big Chunks, les gros morceaux qui affirment le goût de Breuker pour la musique écrite occidentale (« Amsterdam Rhapsody Overture » et le piano de Henk de Jonge). Le cinéma, acmé indispensable à l’univers du WBK, est aussi présent avec le ciné-concert Faust [2], sorti en DVD mais jamais édité en disque. Au final, c’est une belle collection d’inédits qui vient en appui - et sans guère de redites - aux disques déjà parus. Certes, on retrouve la belle reprise de « Lonely Woman » présente sur Thirst !, ou encore la « Marche funèbre » qui éclaire In Holland. Mais tout ceci se situant dans un contexte différent et très cohérent, Out of The Box n’a rien de surnuméraire. A conseiller aux amoureux des grands formats.

par Franpi Barriaux // Publié le 8 mai 2017
P.-S. :

Informations complètes sur le site de Willem Breuker.

[1C’est le seul disque à apparaître tel quel.

[2Tiré du film muet de Murnau.