Scènes

Vague de Jazz 2012 (4) : une bouteille à la mer

Un festival, ça coûte, mais ça rapporte. Toutes les communes de France ont vécu la même expérience, lorsque pour une raison culturelle, on réunit au même endroit pour les mêmes raisons des artistes, des techniciens et du public, ça rapporte.


Un festival, ça coûte, mais ça rapporte. Toutes les communes de France ont vécu la même expérience, lorsque pour une raison culturelle, on fait se réunir au même endroit pour les mêmes raisons, des artistes, des techniciens et du public, ça rapporte.

En notoriété, d’abord…

Tout le monde connaît Marciac, charmante bourgade paumée au fond du fond. Qui ignore où se trouve Carhaix ? Et Coutances, ville lumière… Et Clisson, mégalopole ligérienne… Arrêtons là la liste, mais Jazz in Marciac, Les Vieilles charrues, Jazz sous les pommiers et le HellFest sont autant d’exemples de ce qui résulte de dynamiques conjointes d’organisateurs têtus, de bénévoles impliqués, d’entreprises concernées et d’élus courageux.

Retirez un élément de la recette et le soufflé retombe…

Vague de Jazz fête ses dix ans. Bel âge pour un festival. Bel âge pour un festival de jazz, innovant, excentré et quasi gratuit.

Mais Vague de Jazz souffre et tangue, le soufflé retombe car il manque un élément essentiel. Plus que le nerf de la guerre - après tout l’argent ça se trouve -, il manque la volonté, le courage politique, la compréhension et l’intérêt des élus.

Depuis dix ans, au mois d’août, se retrouve, convoquée par le maître des lieux, Jacques-Henri Béchieau, la fine fleur de l’improvisation jazz française. Une sorte de troupe, de famille, sans cesse renouvelée. Générations spontanées côtoyant les rejetons de la première vague de jazz. Dix ans à tenter d’implanter dans un territoire particulier, plus enclin à la commémoration historico-foraine et aux régates qu’à la découverte de talents improvisateurs. Un territoire marin, plat et sableux, où l’on voit venir de loin l’étranger. Un territoire sacré pour certains, dont le cœur crucifié perpétue une mémoire chevaleresque mais vaine, la Vendée. Seul festival de jazz du département, Vague de Jazz s’est installé en bordure de mer et de marais, entre Longeville et les Sables d’Olonne.

Et ça marche. Les commerçants, les hôteliers, les restaurateurs en profitent. Le public aussi, qui vient, habitué, aux rendez-vous les plus insolites ; promenades musicales en barque dans le marais, petits concerts intimistes dans les salles des fêtes, grosses machineries dans les salles de concert, concerts en plein air, concerts privés… pas de routine. Les bénévoles sont présents, les artistes ravis de ces quelques beaux jours en bord de mer. Le seul imprévu, le seul élément perturbateur est la météo, la plupart des concerts a lieu en plein air.

Succès relatif diront certains, mais laissons parler les chiffres.

Une fréquentation d’environ 5 000 personnes par saison pour une vingtaine de concerts, du plus petit au plus fréquenté. Plus d’une soixantaine de musiciens engagés par édition. Des actions culturelles en marge des concerts (notamment les interventions en milieu hospitalier soutenues par la DRAC des Pays de la Loire, dans le cadre du dispositif d’action pour les Publics Empêchés, à hauteur de 2 000 euros). Des entreprises mécènes ou partenaires qui financent, coproduisent ou valorisent par des prêts le budget global. En 2012, Océa, une entreprise de construction navale a versé 12 000 euros au titre du mécénat culturel. Le Musée des Sables d’Olonne a pris en charge pour 1 300 euros de cachets de musiciens, la salle du Grand R à la Roche sur Yon a prêté du matériel de sonorisation, etc.

Sur le plan politique et institutionnel, les apports financiers et les subventions sont extrêmement lisibles ; 12 000 euros de la Région Pays de la Loire, 4 000 euros du département et 3 000 euros de la mairie de Longeville. La ville des Sables d’Olonne prend en charge, quant à elle, les concerts qui se déroulent dans son Théâtre de Verdure (achat, matériel, personnel), une coproduction essentielle qui se monte à 40 000 euros. Le reste vient de structures comme le Centre Régional du Jazz (2 300 euros pour couvrir les transports), 5 000 euros de la SPEDIDAM et 800 euros de l’ONDA.

Mais il manque 10 000 euros et les subventions baissent.

Celle de la ville de Longeville a été divisée par trois. Étrangement, c’est que sont logés la plupart des musiciens et journalistes présents au festival, un poste de revenus pour la commune qui rend cette baisse incompréhensible.

Quant à la Communauté de communes, qui pourrait mettre en avant cette manifestation pour attirer les touristes, accrocher quelques étoiles culturelles à son revers de veston rural, ou simplement dynamiser et pérenniser un événement qui s’appuie sur son propre territoire, elle ne réagit pas et ne donne rien…

Il est à craindre donc que Vague de Jazz, malgré ses succès, sa longévité et la qualité de sa programmation, finisse par disparaître… faute d’avoir su, d’avoir pu intéresser les élus locaux, souvent absents (sauf la notable présence dans la salle du maire de la commune de Le Bernard, lors d’un concert solo de Vincent Courtois), parfois méfiants et malheureusement trop peu rompus aux mécanismes de l’économie culturelle qui font qu’un festival qui coûte, souvent, rapporte…

Espérons qu’une vague de soutien viendra bientôt renforcer cette vague de jazz, qui le mérite bien.