Scènes

Vague de jazz 2012 (1) : introduction au violoncelle

L’étonnant festival vendéen Vague de Jazz, à la fois maritime et rural, fête cette année ses dix ans.


L’étonnant festival vendéen Vague de Jazz, à la fois maritime et rural, fête cette année ses dix ans. Une longévité éprouvante pour l’équipe, qui tient à bout de bras cette aventure exigeante contre vents et marées pour offrir une édition à la hauteur des précédentes : riche et créative.

Vague de Jazz, c’est la découverte de la côte vendéenne, près des Sables d’Olonne : maisons basses et blanches aux volets bleus, landes à perte de vue, plages de sable, touristes en goguette, vent et lourds nuages atlantiques, marais poitevin en bout de course fondu dans les pinèdes à camping. C’est la découverte de petites routes de campagne, sinueuses et vaguement carrossées, qui mènent d’un lieu de concert à un autre : salle polyvalente de village, salle de concert aménagée, barnum champêtre en plein air, jardins publics ou privés… Chaque lieu disponible est exploité pour les besoins du festival. Un air de vacances souffle sur ce paysage, où la décontraction est générale, avant les concerts, car de grands repas collectifs sont organisés — l’occasion pour tout le monde de côtoyer les musiciens, de leur faire signer des affiches, des disques ou le livre de photos de Caroline Pottier — et après, quand de généreuses troisièmes mi-temps font monter les taux de leucocytes et gonflent les cernes des plus assidus.

Vincent Courtois Photo Hélène Collon/Objectif Jazz
L’année 2011 était placée sous le signe de la contrebasse, avec Claude Tchamitchian et Hélène Labarrière ; 2012 est celle du violoncelle. Didier Petit et Vincent Courtois sont invités plusieurs fois, en solo et en groupe : quartet pour le premier, duo avec la chanteuse Jeanne Added et trio The Mediums pour le second. C’est ce dernier que nous avons vu le 31 août au Bernard, petite commune en retrait par rapport à la mer, dans une salle des fêtes aménagée pour l’occasion. Malgré une acoustique très sèche, le violoncelliste a réussi à nous plonger dans l’univers poétique de son solo L’Imprévu, sorti récemment chez La Buissonne. À l’archet ou en pizzicato, il raconte des histoires polyphoniques et transforme son instrument en orage, en sirène, en chat, en serpent. Harmoniques, couinements, bourdons, percussions, accords… tous les sons qu’il tire de son instrument sont surprenants et touchants. En rappel, il nous offre « Le petit cheval blanc » de Brassens : un régal.

Deux jours plus tard, à Longeville-sur-Mer, il développe ses histoires avec deux saxophonistes ténor, Robin Fincker et Daniel Erdmann, et nous ouvre les portes d’une enfance passée dans le monde forain. Il tire le fil de ses souvenirs à travers de belles et tendres compositions parfois felliniennes, servies avec délicatesse par une instrumentation aussi originale qu’opportune. On visite un « Entresort », petit chapiteau où l’on entre pour découvrir une chose mystérieuse et ressortir aussitôt ; on admire « La Femme sans corps » et l’improvisation d’Erdmann, à laquelle le souffle bruitiste de Fincker offre un contrepoint percussif ; on assiste à « Une inquiétante disparition » qui bouleverse nos attentes. La musique elle-même se fait carnaval : elle tend vers la résolution du mystère et le dévoilement de l’extraordinaire sans jamais dévoiler ses rouages. Faux jumeaux, Robin Fincker et Daniel Erdmann se passent la balle avec une aisance impressionnante. Complémentaires, leurs souffles couplés évoquent le ressac d’un battement de cœur, en décalage presque imperceptible — une finesse que l’on doit à l’ingénieur du son Boris Darley et à son mixage parfait. Au centre, Vincent Courtois trône dans cette foire nostalgique dont il invoque les mânes.