Portrait

Victor Conte a-t-il dopé votre discothèque ?

A l’heure du grand déballage sur l’influence des bassistes de jazz sur les coureuses de 100 m, réévaluation des enregistrements de Victor « Walking Fish » Conte.


L’actualité vous joue parfois de ces tours. En cet automne finissant, alors que les performances athéniennes (zé olympiques) glissent déjà dans l’oubli, on nous ressort le petit marmiton du dopage US, Victor Conte. Vous aviez écouté d’une oreille distraite, l’hiver dernier, les histoires sur cet « ancien musicien de Herbie Hancock », mais à l’heure où il s’apprête à balancer tous ces gens qui courent le 100 m pendant que vous en faites à peine 10, une sourde angoisse vous étreint. Votre discothèque serait elle contaminée ?

Pire que des enfants en bas âge amateurs de déchirage de pochettes de 33T (en dessous de 2 ans, on a le droit de dire déchirage), plus pernicieux que le mildiou ou qu’une rayure assassine au beau milieu DU solo adoré, est-il possible que Victor Conte ait dopé vos disques ?

Alors, en amateur responsable ayant charge de famille, vous décidez d’attaquer le problème à la racine et c’est parti pour une plongée dans des vinyls pas écoutés depuis… 20 ans.

Vous démarrez par le plat de résistance (l’angoisse, que voulez vous), le vilain garnement aurait-il perverti les beaux enregistrements de monsieur Hancock ? Rien sur Monster (1980), où on entend son coéquipier Gavin Christopher, ni sur Mr Hands, où il y a pourtant cinq bassistes différents en cinq morceaux, et rien sur Magic Windows (1981). Mais bon, après écoute, vous regretteriez presque car ces disques ont… beaucoup vieilli.

Les deux groupes avec son cousin Bruce, (Common Ground et Jump Street) n’ont jamais donné lieu à enregistrement, donc pas de risque.

Deuxième gros morceau, Tower of Power, combo mythique d’Oakland dans lequel le cousin fut longtemps première gâchette chez Castillo. Vous ne disposez pas sous la main de la trentaine d’albums qu’ils ont commis, mais sur un échantillon représentatif, le Victor n’apparait qu’une fois, entré là sur recommandation du cousin durant une période de congé de Rocco Prestia, un des vrais originaux de la basse funk. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’album We Came To Play, avec sa couverture d’époque (juste après le sacre des Raiders de John Madden au Superbowl XI en 77), tient bien la distance mais que Victor reste assez discret.

Il faut donc replonger plus profond (qui a dit sacerdoce) dans la zone Zappa Dead, et là double bonne pioche : un vieux Sugarcane Harris de 73 et surtout, ça ne s’invente pas, un Pure Food and Drug Act de 72 où le garçon montre un joli talent bourgeonnant.

Voilà, ça sert à ça une vieille discothèque, vous prenez n’importe quel thème d’actualité et vous êtes parti pour une soirée d’archéologie et de réévaluation.

Demain vous pourrez aller mettre au clou les vieux Herbie dévalués et repêcher un groupe de 3è division qui se bonifie à l’écoute.

par Thierry Rousselin // Publié le 20 décembre 2004
P.-S. :

Sélection :
Pure Food and Drug Act, Choice Cuts (EPIC, 1972)
Freddy Roulette, Sweet Funky Steel (Janus, 1973)
Sugarcane Harris, Cup Full of Dreams (MPS, 1973)
Tower of Power, We Came to Play (Columbia, 1978)