Chronique

Walabix invite Bart Maris

La poesía es un arma cargada de futuro

Bart Maris (tp, flh, piccolo tp) ; Quentin Biardeau (ss, ts) ; Valentin Ceccaldi (cello) ; Gabriel Lemaire (as, bars, Bb cl) ; Adrien Chennebault (d)

Label / Distribution : BeCoq

Livré dans une pochette placée sous l’invocation du plus célèbre texte de Gabriel Celaya, résistant et poète basque d’expression espagnole particulièrement gonflé qui, du vivant de Franco, rêvait à voix haute « d’une République basque sans curés et sans mouches » [1], pochette illustrée d’une arme de fantaisie, œuvre d’André Robillard composée de bouts de bois, d’un melodica à boutons, de quelques cartouches de fusil, de composants non identifiés et d’un peu de ruban adhésif, le tout posé sur ce qui ressemble à une patère dans un centre aéré hors d’âge, cet album enregistré en public au Petit Faucheux (Tours) met décidément la barre très haut.

Rien d’étonnant, par conséquent, à ce que la musique soit précisément… barrée ! et ressemble à un autre poème de Celaya, Premières matières ibères : « Le sparte, le sel, le granit / le strictement sec et l’ardemment blanc / l’insécable furie dans l’absolue lumière / d’un soleil haut partout et un espace vide. / Les pierres abrasives et la chaux éblouie / Le quartz : son explosion en étoiles infimes / fichées à l’intérieur de ce qui ne s’explique / Et la splendeur d’un monde dépourvu de tout sens. (…) » (la traduction bâclée est de D. Gastellu).

Il y a dans « Ingram », qui ouvre l’album, l’appel d’une clarinette sauvage comme la flûte d’un faune, un violoncelle qui joue à être une contrebasse, un bugle qui jongle et un baryton qui brame, puis la montée cahoteuse, en batterie, vers un déchaînement orgiaque qui se résout à la dixième minute - précisément - en souffles et en pleurs. Il y a dans « Hotclu » un dialogue d’embouchure et d’archet, une bête qui se plaint avec délectation sur une berceuse sombre ; frottements sifflants sur bois et peaux, craquements et crachotements. Il y a dans « Mat » un hymne révolutionnaire ornetto-mingusien mâtiné de Liberation Music Orchestra avec ses contre-chants décalés, ses chœurs de cuivres et d’anches dans un écrin de cordes frottées, de peaux frappées et de cymbales. Il y a dans « Anve », qui referme l’album, quelque chose comme des insectes ivres de canicule et des ressouvenirs d’antiques liturgies.

Il y a tout cela et bien d’autres choses encore, et il en sort de nouvelles à chaque écoute. Walabix a bien fait d’inviter Bart Maris : on dirait qu’il fait partie du groupe depuis le début.

par Diane Gastellu // Publié le 1er juin 2015

[1Cité par le romancier Bernardo Atxaga dans un hommage publié en 1991 par El País à l’occasion du décès du poète.