Chronique

Willem Breuker Kollektief

Angoulême 18 mai 1980

Label / Distribution : FOU Records

Rappelant tout à la fois les heures joyeuses des formations iconoclastes comme le Workshop de Lyon et les grands moments de la free music afro-américaine (on songe évidemment au Mama Too Tight d’Archie Shepp ou encore à Albert Ayler et son Live At The Greenwich Village), la réédition par Fou Records d’un concert du Willem Breuker Kollektief en 1980 à Angoulême permet de redécouvrir l’enthousiasme folâtre qui animait ces Néerlandais.

Formé de neuf musiciens (trompette, deux trombones, trois saxophones, section rythmique avec piano) sous la baguette de Willem Breuker (1944-2010), cet ensemble fondé en 1974 développe un son débridé et généreux. Doublé d’un humour extraverti, il déborde largement du cadre strict de la musique et s’appuie à la fois sur une théâtralité scénique tout à fait perceptible à l’écoute du disque (le public rit souvent ; les notes et photos de pochette sont à ce sujet tout à fait instructives) mais aussi sur une écriture foisonnante. Par une accumulation de citations drôlissimes, de réinterprétations (Kurt Weill notamment, dont Breuker était, par ailleurs, un éminent spécialiste), de détournement de genres (“Tango Superior” lui permet de glisser quelques mesures de… rock’n’roll), le spectateur ne sait plus s’il doit se situer dans le jeu ou le contre-jeu, la partition ou sa représentation.

Faisant feu de tout bois, ce collectif semble, en effet, ne rien respecter ; pourtant, la mise en place millimétrée, les arrangements savamment agencés et toujours ingénieux et la justesse des interventions solistes écartent toute idée de simple blague potache. D’autant que le swing point régulièrement derrière cette ironie sympathique. Un swing caféiné (voire cocaïné), digne des grandes heures du Count Basie Orchestra - preuve irréfutable de l’amour de Breuker et ses complices pour un jazz ouvert à toutes les formes.

Par sa portée documentaire, ce double CD (parfaitement enregistré) apporte une nouvelle lumière sur des personnalités qui ont joué, en leur temps, dans le monde entier, et tenté de mettre en place une utopie sonore (une uphonie ?) : un lieu qui embrasserait toutes les musiques.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 1er novembre 2015
P.-S. :

Boy Raaymakers (tp), Willem van Manen & Bernard Hunnekink (tb), Willem Breuker (cl, ss, as, ts), Bob Driessen (as, bs), Maarten van Norden (ts), Henk de Jonge (p), Arjen Gorter (b), Rob Verdurmen (dm)