Chronique

Yoann Loustalot Quartet

Derniers Reflets

Yoann Loustalot (tp, fgh), François Chesnel (p), Blaise Chevalier (b), Antoine Paganotti (dms)

Label / Distribution : Fresh Sound Records

Récurrente dans la musique comme dans les titres des compositions, la thématique de l’enfouissement propose comme une alternative à la brillance, soit une forme de pudeur qui ne quitte jamais ni l’écriture, ni l’interprétation, aussi discrète que raffinée. Derniers reflets est un disque qu’il faut prendre le temps de découvrir et qui s’immisce à petits pas dans l’esprit de l’auditeur, délaissant la séduction immédiate au profit d’ambiances nocturnes et contemplatives.

Yoann Loustalot, qu’on a pu entendre au sein de son trio Aérophone ou aux côtés de Sophie Alour, a beau être un instrumentiste accompli (ce qui lui valut le premier prix de soliste aux trophées du Sunside en 2002), il a le bon goût d’envisager sa musique comme une expression avant tout collective. On ne s’étonnera donc pas d’entendre les membres de son quartet se cantonner parfois à des apports minimalistes. La couleur est annoncée dès la « Ballade avec Tomasz » d’ouverture, lentement développée autours d’une mélodie livrée par petites touches et légers afflux d’énergie par le trompettiste, qui affiche d’emblée un lyrisme tranquille. Successivement interprétés en solo, puis en duo et enfin en quartet, ces « Reflets » déclinent cette approche épurée en incorporant au fur et à mesure l’échange (dialogue) puis le partage (interactivité). Ce sont ces notions qui régissent l’agencement des autres morceaux, dont les éléments parfois ascétiques prennent leur sens à travers les couleurs qu’ils apportent. François Chesnel, qui côtoie Loustalot dans son « Kurt Weil Project », sait justement, par ses accords délicats, conférer à ses jolies compositions tout une palette d’émotions et d’atmosphères tour à tour apaisantes, nostalgiques ou inquiétantes, parfois même au sein d’un même morceau, avec le soutien discret de Blaise Chevalier (qui signe un « Hibernatus » mélancolique sur lequel il double le trompettiste à l’archet) et d’Antoine Paganotti, tous deux excellents dans leur rôle d’accompagnateurs attentifs aux subtiles inflexions de leurs partenaires et aux mouvements que sous-tend l’implication collective.

Profondément musical, Dernier reflets est un disque de ballades où se bousculent les bonnes idées (telle la répartition de la mélodie entre les instruments sur « Heures perdues »), les arrangements originaux et les séquences d’improvisation. Au cours de celles-ci le propos s’intensifie, notamment sur le très enlevé « Dans les feuilles » ; le groupe y déploie autour d’un riff successivement tenu par le piano et la contrebasse un jeu plus incisif, avec une égale élégance. Après une angoissante plongée « Sous la glace » rythmée par un motif obsédant et singulier d’Antoine Paganotti, les quatre musiciens laissent miroiter leurs derniers reflets sur la surface de nos pensées, et l’on prend doucement conscience, plongé dans le silence, du bien fou que procure la fraîcheur de cette échappée poétique.