Chronique

Philippe Champion & Hamid Drake

Le chant des pierres

Philippe Champion (tp), Hamid Drake (dms, voc)

Label / Distribution : Marmouzic

Le batteur caméléon Hamid Drake s’implique régulièrement dans les échanges entre les musiciens d’Europe et des Etats-Unis. On a pu l’entendre ces dernières années aux côtés de Sophia Domancich, Claudine François et Michel Portal, comme sur plusieurs productions du label hongrois BMC, notamment au sein du quartet de Mihàly Dresch, du trio de Viktor Tóth où du Cool Running Orchestra. Il est aussi l’un des acteurs de The Bridge, série de concerts basée sur ces connexions intercontinentales imaginée et pilotée par Alexandre Pierrepont. C’est d’ailleurs ce dernier qui, dans la continuité de son travail, conseille aussi The Arch, qui vise à susciter des rencontres entre musiciens bretons et chicagoans. C’est dans ce contexte que se situe cette collaboration de Philippe Champion, trompettiste de l’ensemble Nautilis, et Drake.

Enregistré entre 2012 et 2014, Le chant des pierres est constitué de cinq morceaux aux ambiances hétérogènes mais qui trouvent leur cohérence dans un processus de création qu’on devine très ouvert à l’impromptu. Pour que la symbiose advienne, il faut accepter des départs un peu flous. Le déroulement des titres reflète l’implication et les qualités de jeu des deux musiciens. Les contours indistincts de la première pièce, « Opening », sont la contrepartie de cette plongée improvisée au carrefour du swing et de la musique contemporaine. Car les musiciens n’oublient pas la danse, qui revient sous différentes formes. La pulsation ternaire est bien présente, notamment sur un « Chairman Mao » très enlevé, où Drake conduit le rythme en exploitant les registres médium et grave de sa batterie. La transe peut aussi émaner d’une approche plus tribale, plus brutale du rythme, comme sur « Le chant des pierres », sur lequel il prête sa voix et ses percussions à une sorte d’incantation que le trompettiste colore. C’est le cas aussi sur « Lullaby For Clémence », une pièce calme et poétique que Champion illumine de sa belle sonorité.

Une des vertus de ce duo est de ne pas forcer l’expression mais de la laisser venir, quitte à autoriser quelques flottements. Une démarche qui peut donner lieu à des instants hors du temps. « Breathing », inspiré par Don Cherry et Steve Lacy, en est un bon exemple. Ses espaces préservés et la délicatesse avec laquelle elle est appréhendée font d’elle une raison suffisante pour se plonger dans l’écoute de ce disque austère mais profond.