Saveurs Jazz Festival : un dimanche de juillet

On accède au site en descendant un chemin qui serpente au milieu d’une pelouse verte et donne une vue sur les deux scènes : la grande, accès avec billet, la petite, libre pour tous. Sur la droite, le grand bâtiment du lycée avec ses salles de classe et son internat est endormi en cette période de vacances et de chaleur. Nous sommes là pour la musique. Le temps de découvrir quelques stands gastronomiques et un disquaire et voilà que monte sur scène le quartet de Sylvain Rifflet.

Venu présenter son nouveau disque Aux Anges, Sylvain Rifflet est ici en quartet. Le line-up est légèrement différent puisque Nicolas Larmignat est à la batterie (en remplacement de Benjamin Flament) et Yoann Loustalot (plutôt que Verneri Pohjola) à la trompette. Philippe Gordiani reste à la guitare électrique. Sur scène, à gauche, les deux soufflants rivalisent de prouesses mélodiques et proposent des phrases sensuelles qui tranchent avec la puissance de la rythmique. Tout à droite sur le plateau, solide, sèche, elle fournit un jeu électrique et basé sur la répétition appuyée et entraînante. Le contraste est étonnant ; il prend après quelques minutes. La simplicité des airs, leur immédiateté même, font tomber les appréhensions. La maîtrise des quatre qui jouent à l’unisson emporte l’adhésion. Mieux, partant d’un début de répertoire proche des ballades, le quartet décolle inexorablement vers un lyrisme pop et débridé du meilleur effet.

Changement d’ambiance sur la grande scène où va entrer Samy Thiébault. Entouré d’un sextet, il donne libre cours à son goût pour les musiques créolisées. Auteur d’une trilogie caribéenne (lire la chronique de Awé !, paru l’année dernière), il mélange le foisonnement rythmique de percussions ultra-marines (Lukmil Pérez à la batterie, Inor Sotolongo aux percus) et un jazz classique de bonne facture. Felipe Cabrera à la basse et Leonardo Montana au piano apportent ce qu’il faut de swing tonique et d’harmonies suaves pour conduire sur un plateau les improvisations du saxophone et la trompette. Thiébault déploie au ténor un son plein et chaud (il joue également de la flûte). Des phrases serpentines coulent dans un souffle toujours savamment dosé. Son camarade trompettiste, Josiah Woodson, se situe sur un registre plus éclatant comme savent l’être les cuivres ensoleillés et s’applique à présenter l’étendue de son instrument. Le dernier morceau est l’occasion d’un lâcher-prise qu’on aurait apprécié de vivre durant tout le concert ; il aura été un peu sage au regard de ce que réclame cette musique exubérante.

Retour ensuite sur la première scène où s’est installé le groupe du tromboniste Daniel Zimmermann. Familier du festival, artiste associé de la SPEDIDAM, il présente un nouveau répertoire. Accompagné de Pierre Durand à la guitare, Stéphane Decolly à la basse électrique et Julien Chalet à la batterie, il réaménage les chansons de l’Homme à Tête de Chou. Des cloisons sont abattues, les meubles changés de place, les espaces ne sont plus les mêmes ; on reste bien, pourtant, chez Gainsbourg que chacun a dans l’oreille. Du début à la fin, on s’amuse. D’abord parce que les interventions de Zimmerman pour annoncer les morceaux sont toujours drôles, loufoques et ironiques sans méchanceté puis parce que le jeu consiste à reconnaître les titres et découvrir les décalages.

La chose n’est pas évidente : parfois, c’est immédiat et aussitôt touchant (« Machin machine ») parfois, moins (« Comic Strip » méconnaissable) mais réussi. Ailleurs, deux chansons cohabitent et c’est la sensation de visiter deux pièces en même temps. Totalement à leur affaire, les musiciens s’en donnent à cœur joie. Dès les premières secondes, ils dansent avec leur instrument. Le bassiste semble avoir tout compris de la musique pop du XXe siècle et le batteur est de jazz mais pourrait être de rock. Le guitariste quand à lui décore tout ça de petites inventions qui élargissent le spectre du groupe. Puissant, félin parfois, le tromboniste n’a plus qu’à se promener au milieu de ses camarades et voilà un concert plaisant et réussi. Le disque sort cet automne.

Pour clôturer la soirée, Ayo investit la grande scène. Oui, pourquoi pas. Puis ce sera au tour de Daïda pour un jazz électro que nous n’avons pas vu et dont nous ne dirons donc rien.