Chronique

Youssef Daoudi

Monk !

Thelonious, Pannonica… une amitié, une révolution musicale

Label / Distribution : Editions Martin de Halleux

Il y a comme ça de drôles d’idées.
Dessiner la musique, par exemple, fait partie de ces expériences rarement fructueuses. La synesthésie peut être d’un grand secours, la drogue aussi (LSD notamment) mais réaliser un trait musical demande une disposition d’esprit peu commune.
Youssef Daoudi, dessinateur de bandes dessinées, s’est déjà fait remarquer avec des histoires de polars et de voitures. Il propose aujourd’hui l’histoire de Thelonious Monk d’un point de vue singulier. Comme si le lecteur était un chat, sur les genoux de Pannonica, la baronne mécène et amie proche du pianiste. On regarde, on assiste, on écoute aux portes. Monk vit devant nous et partout où va la baronne, il est là.

Le découpage de l’histoire n’a rien de chronologique, il s’agit d’une suite de chapitres plutôt thématiques, mais comme il s’agit d’un essai biographique, rien de scientifique non plus.

Ce qui rend l’ouvrage fantastique, c’est la narration très graphique et très rythmique. De début à la fin, on entend la musique jaillir du dessin et on sent le mouvement. La danse est très présente ; le pianiste dansait souvent hors et sur scène. Il y a de nombreuses cases sans dialogues, soit en silence soit en musique, aux formats différents qui forment comme une sorte de partition. On tombe, régulièrement, sur un dessin sans cadre, seul, pleine page, comme un poster, comme un tableau, comme une respiration. Les quatre couleurs employées, le noir et blanc pour les formes et les contours, l’or et le gris pour les ombres, les reliefs et les à-plats, donnent à l’ensemble une cohérence esthétique et un grain cuivré. Le dessin est très réaliste, les portraits photographiques, il ne faut pas perturber le regard au risque de perdre le fil. Même la discographie du pianiste est dessinée, pochette par pochette.

Il n’y a plus à douter de la féconde rencontre entre la bande dessinée et le jazz : les dernières expériences en la matière sont toutes concluantes, d’autant plus qu’avec un ouvrage de ce niveau, on ne peut que remercier Daoudi d’avoir su mettre en image la musique de Monk et de nous permettre d’observer le pianiste, dans sa chambre, alors qu’il a décidé de ne plus jouer, ou d’être en studio le jour du fameux « trou » sur « The Man I Love ».
Dessiner le jazz, certes, mais on peut affirmer que Daoudi dessine Jazz.

par Matthieu Jouan // Publié le 16 décembre 2018
P.-S. :

MONK !
Thelonious, Pannonica… une amitié, une révolution musicale
Youssef Daoudi

352 pages – 170 x 240 mm
Reliure cousue, cartonnée
Couverture sur papier texturé Efalin
Imprimé sur Munken Print White 115 g
Prix TTC France : 35€
ISBN : 978-2-490393-02-2
Les éditions Martin de Halleux