Chronique

Henri Texier

An Indian’s Life

Henri Texier (b), Sébastien Texier (as, cl), Manu Codjia (g), Gautier Garrigue (dms), Carlo Nardozza (tp, flh), Sylvain Rifflet (ts, cl), Himiko Paganotti (voc).

Label / Distribution : Label Bleu

Dans les notes du livret de ce nouveau disque d’Henri Texier, l’idée est évoquée selon laquelle An Indian’s Life viendrait clore un triptyque commencé en 1993 avec An Indian’s Week et poursuivi en 2015 avec Sky Dancers. Trois disques ayant pour thème sous-jacent ou explicite les peuples amérindiens et la défense de leurs tribus. Celles-ci suscitent depuis toujours l’admiration du contrebassiste, respect de la nature et sens de la beauté étant les deux socles de sa passion. L’affaire est-elle terminée pour autant, quand on sait la détermination de celui qui ne baissera jamais les bras face à la brutalité de notre monde ? Rien n’est moins sûr…

An Indian’s Life donc, et d’emblée le sentiment d’être en pays de connaissance. C’est la présence d’un chant identifiable entre mille, porté par un blues latent et une manière particulière de jouer à l’unisson (Henri Texier reconnaît volontiers ne pas être un arrangeur) ; c’est un jazz dont les musiciens s’emparent, acquis à la cause du patron, en l’interprétant dans sa forme classique (thème, solos, thème) sans que jamais l’exercice ne soit laborieux. C’est une pulsation tenace, à l’instar d’un cœur qui bat. Ce sont aussi des variations essentielles dans les textures mises en œuvre : aux musiciens qui constituent son quartet (Sébastien Texier, Manu Codjia et Gautier Garrigue), Henri Texier ajoute trois partenaires et, ce faisant, d’autres sonorités : le saxophone ténor et la clarinette de Sylvain Rifflet, la trompette et le bugle de Carlo Nardonna, le chant d’Himiko Paganotti. Trompette et voix, rarissimes chez le contrebassiste qui vocalisait sur ses albums dans les années 70, la trompette faisant quant à elle une brève incursion avec Michel Marre sur l’album La Compañera en 1983. Et pour la première fois dans sa discographie, on trouve une composition chantée avec la reprise de « Black And Blue » signée Fats Waller. Admirons au passage le travail d’Himiko Paganotti, dont on finira bien un jour ou l’autre par reconnaître l’immense talent.

Ce disque est le reflet d’une fièvre heureuse, d’un chant qui s’empare de sept musiciens en état de plénitude, conscients du privilège d’être les acteurs d’un nouvel épisode d’une histoire qui en compte désormais beaucoup. Il y a un « paradoxe Texier » : chaque nouveau disque, parce qu’il nous est familier, donne envie d’écouter une fois encore ses prédécesseurs en même temps qu’il est une invitation à imaginer le suivant, dont la petite musique nous ravira. C’est l’idée de connaître sans savoir, de comprendre un langage qui n’appartient qu’à lui-même. An Indian’s Life ne fait pas exception à cette règle : il est, on l’aura compris, à consommer sans modération.