Chronique

A Spirale

Agaspastik

Maurizio Argenziano (g), Mario Gabola (as, ts), Massimo Spezzaferro (dr)

Label / Distribution : Fratto 9 Under The Sky

Depuis le début du XXè siècle et l’apparition des musiques syncopées, l’Italie est une terre de jazz. Elle produit des musiciens talentueux et singuliers dont les plus populaires ont pour nom Paolo Fresu, Enrico Rava, Steffano Di Battista ou Riccardo Del Fra.

Pays d’avant-gardes esthétiques, l’Italie donne aussi à entendre des artistes radicaux. Dans ce domaine, le plus glorieux de ses représentants est aujourd’hui le trio romain Zu, désormais placé aux avant-postes planétaires d’un jazz extrême. A Spirale s’inscrit dans une veine similaire, délivrant un jazz expérimental et électrique, trempé dans un acier pur rock. Agaspastik déverse ainsi un torrent d’énergie dévastatrice, chauffé à la flamme d’un free jazz abrasif. L’inaugural « Black Crack » donne le ton à coups de violents assauts soniques, de citations aylériennes et de « stop and go » brutaux. Le trio pratique cependant l’art du contraste avec maestria, multipliant les introspections sonores et les retenues instrumentales.

A Spirale intègre à sa musique une importante part d’effets électroacoustiques, jouant du « feedback » comme d’un instrument à part entière. Le procédé est tout particulièrement à l’œuvre sur « Naja Tripudians » ou le répétitif « Climbing Your Backbone », alliage réussi de motifs bruitistes, de hurlements de cuivres et de rafales polyrythmiques. Le groupe sait aussi, comme sur « Suriciorbu » ou « Kaluli », se montrer économe. Il réduit alors la voilure pour travailler sur des ambiances microtonales et créer des tableaux en clair-obscur. « Calco » est l’une des pièces les plus réussies de l’album. Sur une ligne de guitare hypnotique, le saxophone déroule une mélodie suave, traversée de réminiscences blues et de teintes orientales. Tout autour s’agrègent alors des bruissements électroacoustiques et des fragments rythmiques du plus bel effet.

Agaspastik croise avec bonheur free jazz, rock bruitiste et improvisation libre. De cet album radical, intègre et viscéral, se dégage une sombre et revigorante beauté.