Chronique

Nina Simone

The Complete 1955-1959

Label / Distribution : Le Chant du Monde

L’objet a valeur de document. Le Chant du Monde, sous joli digipack de deux CD, publie une sélection des premiers pas discographiques de Nina Simone. Soit, en quarante-trois titres, cinq albums et un single qui témoignent de la période 1955-1959.

Une compilation voisine, parue sous le titre The Nina Simone Collection, proposait déjà un panorama des années 1959-1964, consacré aux enregistrements de la pianiste-vocaliste pour le compte du label Colpix. Les détenteurs de ces deux rétrospectives constateront donc quelques doublons. The Complete 1955-1959 reprend en effet les deux albums Colpix The Amazing Nina Simone et At Town Hall.

Cette nouvelle double compilation vaut surtout pour les trois premiers enregistrements de celle qui reste, avec Billie Holiday, l’une des voix les plus charismatiques de la musique populaire américaine du XXe siècle. On notera d’ailleurs que Lady Day fut une inspiratrice de Nina Simone (1933-2003).

En 1964, le label Premier commercialise, sous la marque Spin-O-Rama, des enregistrements mono, probablement réalisés en 1955-1956 à Philadelphie. Ce sont les traces les plus anciennes laissées par Nina Simone. Mais la native de Tryon, Caroline du Nord, fait retirer de la circulation ce vinyle virginal, faisant valoir qu’il s’agit d’un disque pirate édité sans son accord. Sobrement intitulé Starring Nina Simone, ce LP dégage la saveur de la nostalgie. Il réapparaît ici numérisé et drapé du privilège de la rareté. La chanteuse y est seule au piano, simplement accompagnée d’une batterie sur une chanson. La version de I Loves You Porgy est une pure merveille, dépouillée, empreinte d’un blues habité, mystique. On y entend la douleur de la condition noire, on y entend l’enfance gospel de la petite Eunice Kathleen Waymon qui tenait le clavier de l’église locale dès l’âge de six ans. Le disque, comprenant notamment un autre standard totémique, Black Is The Color, semble nimbé de spectres. Son grain, sa lenteur, son tempo suspendu, donne à l’auditeur cette sensation diffuse d’être là en présence de voix venues d’un monde disparu.

Little Girl Blue et Nina Simone And Her Friends, les deux premiers albums officiels, ont été enregistrés en 1957 pour Bethlehem. On y est en terrain sinon connu, du moins plus familier. Ce qui n’enlève rien à la profondeur et à la beauté des interprétations de celle qui entre alors déjà de plain-pied dans l’histoire du jazz et, au-delà, dans celle de la musique pop.

A noter, le livret excellemment fourni en détails biographiques et images de pochettes originales.