Scènes

À la vie la mort au Hangar 23 (Rouen)

Autour du Triomphe de la Mort, le célèbre tableau de Pieter Buegel, le quartet issu de l’ARFI mélange approches picturale et musicale pour s’immiscer dans l’œuvre et sa multitude de détails.


Créé autour du Triomphe de la Mort, le célèbre tableau de Pieter Buegel, le quartet issu du collectif ARFI mélange approche picturale et musicale pour s’immiscer littéralement dans l’œuvre et sa multitude de détails. Un cheminement teinté de merveilleux, entre vie et mort, qui donne à voir cette peinture avec beaucoup de poésie. Un véritable tableau-concert, dont le sujet est projeté sur scène, avec les musiciens en son coeur.

Photo Franpi Barriaux

Lorsque le public entre dans la salle du Hangar 23, l’environnement extérieur a lui aussi des allures d’apocalypse. Dans ce mois de mai à ne pas mettre une fanfare dehors, Rouen ne fait guère exception et c’est une pluie drue qui accueille les Lyonnais de l’ARFI. Le dispositif intrigue car devant la scène se dresse un rideau blanc, comme dans les anciennes salles de cinéma de quartier.

Où sont les musiciens ? Dans le tableau. Ou peu s’en faut : dans une boîte de lumière derrière le rideau où ils apparaissent comme dans un songe, s’intégrant à l’œuvre. La conduisant parfois, lorsque la remarquable joueuse de vielle Laurence Bourdin semble se muer en squelette, pilote de charrette et joueur de vielle… Détail d’un tableau halluciné où les morts viennent reprendre leurs droits sur les vivants par l’épée, la maladie et la torture.

Il faut louer le travail de Jérôme Lopez et de Christophe Schaeffer qui ont travaillé sur la vidéo, la lumière et la scénographie de ce spectacle vivant au milieu des morts (voir notre chronique du DVD). Découpé en petites tranches, détouré de telle manière que certaines scènes ou personnages ressortent, Le triomphe de la Mort se scénarise et s’agite devant nous, porté par une musiques aux timbres amalgamés et délicats. Le quartet, très collectif, se trouve sans difficulté dans la semi-pénombre et les projections de squelettes, favorisant ici ou là une harmonie ou des moments plus solitaires. La contrebasse élégante dont Bernard Santacruz joue avec une autorité naturelle répond au jeu soudé de la vielle comme aux saxophones de Jean Aussanaire.

Photo Franpi Barriaux

Soudain, le trompettiste Jean Méreu se lève pour un solo flamboyant qui allume une bougie présente dans la peinture. Simple et fluide comme la musique, cet effet dérisoire mais plein de poésie évoque Méliès et les chimères de Lanterne Magique que le quartet réveille dans un tableau du XVIe siècle. De quoi alimenter les rêves et repeupler les musées…