Chronique

Ómun

Tribute to The Fall

Pascal Charrier (g) ; Philippe Lemoine (ts) ; Julien Tamisier (keys) ; Teun Verbruggen (dms)

Label / Distribution : Naï No

Avec Ómun, on serait tenté d’écrire que le guitariste Pascal Charrier prend une direction différente de ce qu’il propose avec ses avatars de Kami. A fortiori Spring Party, qui cherchait presque instinctivement la couleur. Le présent quartet, beaucoup plus limité dans son nombre de voix, n’a d’ailleurs pas un nuancier infini sous les yeux : « Swimming Pool » est sombre, l’espace est immense, le saxophone de Philippe Lemoine (Le Maigre Feu de la Nonne en Hiver avec le regretté Eric Groleau) est une ligne droite sur laquelle la guitare vient se fendre en vagues. Le revirement serait là, dans une soudaine recherche de la matière davantage que de la lumière - puisque les couleurs ne sont rien d’autre. Ce serait oublier que tout ceci est d’abord le royaume de l’impalpable… Une notion que Charrier maîtrise à merveille, notamment lorsqu’il passe d’une certaine dureté (« But Don Quichotte Does Not Agree ») à des cordes plus caressantes (« Trees », où l’on retrouve une incarnation, ou plutôt quelque chose d’organique.)

Ce qui fait l’étrangeté d’Ómun, c’est la rencontre de la guitare et du ténor avec une base rythmique des plus entêtantes. On connaît le batteur belge Teun Verbruggen pour son Flat Earth Society, mais c’est davantage dans ses échanges avec Keiji Haino et Jozef Dumoulin qu’on le retrouve ici. Son jeu est lourd, comme peut l’être une glaise épaisse ou un orage à venir. Dans « But Where is The Honey Pot », il joue du métal et des peaux sans violence mais avec une pesanteur que l’électronique de Julien Tamisier rend palpable. Avec Charrier, ce dernier est vraiment le concepteur des atmosphères. Celui qui, d’une basse alcaline, va renverser les pôles. C’est toute l’histoire de « Tribute to The Fall » qui donne son titre à l’album : un fil dressé au-dessus de l’inconnu et un équilibre précaire et volontaire. Une aventure poétique au sommet des ténèbres.

Dans la galaxie proche de ces quatre musiciens, il y a Octurn, le M-Base, et un goût certain, presque naturel, pour les musiques électroniques. Sans chercher à se ranger dans un environnement confortable et des pièces bien ordonnées, Ómun s’inspire de ces climats mais cherche à les transcender, à leur donner de nouvelles ramifications, à partir vers un inconnu, quitte à faire parfois quelques demi-tours et des pauses de bon aloi. On ne peut que goûter cette brume onirique dans laquelle le quartet nous plonge et qui donne envie de découvrir l’autre rive, si tant est qu’il y en ait une. Le contraire serait encore plus magique.