Chronique

Adam Fairhall & Johnny Hunter

Play Mary Lou Williams

Adam Fairhall (p), Johnny Hunter (d)

Label / Distribution : Discus Music

Alors que certains sont habitués, par paresse principalement, à placer le jazz du Royaume-Uni dans la case « succédanés de funk et revival des 90’s », on pourrait croire la scène monolithique. Mais, de Steve Noble à Matthew Bourne, nous savons qu’il n’en est rien. Un nouvel exemple se présente avec le pianiste Adam Fairhall qui proclame son amour de Mary Lou Williams (MLW) avec un duo qui ne fleure pas le raisin aigre. Avec le batteur Johnny Hunter, on est loin de ce que proposait le Umlaut Chamber Orchestra pour le Zodiac Suite de MLW : formation réduite à sa plus simple expression jusque dans le choix des agrès, assez proche de ce que Marcin Masecki avait proposé pour son exploration du ragtime . Fairhall est au piano droit et Hunter à la simple caisse claire pour un résultat explosif et joyeux, comme l’illustre « Fandangle » où l’on retrouve la course échevelée des notes et des frappes dans une première partie riante avant le point de rupture.

Car la grande trouvaille de cet album consacré aux compositions de MLW, c’est la capacité à les déconstruire. Pour « Fandangle », c’est un pas de côté qui entraîne vers un légère dissonance, une brisure. C’est dans « Roll’em », construit sur le temps long, que le duo expose sa recette : une prise en main de la partition originelle pour jouer du blues sans autre volonté que de se faire plaisir, puis une légère inflexion. Ici, une manière d’allonger les basses du piano comme pour figer le temps, donner un caractère très répétitif au propos, bien épaulé par le jeu très efficace du batteur qui joue avec la peau comme avec le cadre de sa caisse claire. Ainsi passée par des filtres dignes de microscopes, la musique de MLW quitte toute pétulance pour devenir inquiétante, névrotique, puis reprendre comme une explosion soudaine qui délite tout.

Voici un disque qui montre une nouvelle facette de l’écriture de MLW et sa grande modernité, qu’on retrouve notamment avec l’interprétation de « Gemini », tiré de la Zodiac Suite. Ici, c’est Johnny Hunter qui joue la destruction par des échappées belles qui naissent d’un silence profond. Derrière la simplicité voulue par Adam Fairhall, à qui l’on doit un travail similaire, toujours avec Hunter, autour de la musique de Winifred Atwell, il y a la volonté d’extraire une essence nouvelle de partitions anciennes mais toujours brûlantes de jeunesse.

par Franpi Barriaux // Publié le 12 octobre 2025
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