Chronique

Aki Takase & Rudi Mahall

Fifty Fifty

Aki Takase (p, objets), Rudi Mahall (cl, bcl)

Label / Distribution : Trouble in The East

Que se disent deux vieux amis quand ils se rencontrent ? Ils partagent, ils badinent… Et les musiciens n’échappent pas à la règle. C’est l’histoire de ce Fifty-Fifty que nous proposent la pianiste Aki Takase et le clarinettiste Rudi Mahall. La Japonaise installée à Berlin et l’Allemand sont depuis longtemps complices : les Duets for Dolphy ont bientôt 23 ans, et cet album paru en vinyle et disponible sur Bandcamp constitue leur quatrième duo, sans oublier leurs collaborations communes avec Alexander von Schlippenbach. Rien n’est donc plus naturel que le dialogue et les compositions partagées à la quasi-parité. Seule l’intro du disque, où Takase s’acharne sur un piano-jouet, offre à la pianiste une composition supplémentaire et montre une facette de l’artiste, joueuse et turbulente telle qu’on l’avait vu dans le formidable Japanic. « Erosion in der Tiefebene », écrit par Mahall, sera l’occasion de retrouver le jouet dans une autre circonstance, plus complexe, et jouant de la complémentarité des timbres avec une clarinette qui n’aime rien tant que de se réfugier dans les aigus.

Les deux musiciens jouent chacun pour l’autre, et improvisent collectivement. Dans le très dense « Energy With One Hand », composition de Takase, les pôles s’inversent ; pour accompagner le phrasé très rapide de la clarinette basse, la main droite baguenaude sur le clavier, sans s’appesantir mais en marquant bien la pulsation. Tout est ainsi dans un disque qui prône la liberté et la douceur comme ligne de vie et d’action. A l’écoute du très beau « Mark in Der Tube », petite ballade claudicante où le piano tourne autour d’une clarinette qui va à l’essentiel, on ressent cette bienveillance et ce calme qui caractérise Fifty-Fifty.

Habitués à revisiter ensemble les standards ou les œuvres de leurs figures tutélaires, Takase et Mahall se rencontrent ici sur leur propre matériel. C’était déjà le cas sur The Dessert, paru en 2003, mais les compositions étaient pour la plupart communes. Ici, c’est l’invite de l’autre dans son propre univers qui est intéressant et marque une certaine continuité, ainsi dans le très joyeux « Fahrstuhl zum Kompott » où Takase retrouve son piano-jouet, avant de l’abandonner pour un orgue tout aussi dérisoire et souriant. Un petit bonheur qui passe.

par Franpi Barriaux // Publié le 23 février 2020
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