Chronique

Alexandre Herer

Bombay Experience

Manmeet Kaur (voc), Alexandre Herer (cla), Gaël Pétrina (b), B.C Manjunath (perc), Pierre Mangeard (d)

Label / Distribution : Onze heures onze

Alexandre Herer, fondateur de Onze Heures Onze et président de Grands Formats, nous a habitués à intervenir sur plusieurs fronts, la musique improvisée européenne comme le spectre plus large qui englobe et séduit depuis plus de trente ans les colemaniens tendance Steve : ce qu’on peut grossièrement ranger sous la bannière M-Base, si tant est que celle-ci veuille encore dire quelque chose. En Europe, c’est avec des musiciens comme Denis Guivarc’h et Magic Malik ou avec Octurn que cette musique se manifeste surtout ; depuis quelques années maintenant, Herer l’incarne avec l’orchestre de Nunataq, composé du batteur Pierre Mangeard et de l’excellent bassiste Gaël Pétrina (Kandinsky Effect). Nunataq 2 invitait le percussionniste indien B.C. Manjunath. Dans cette Bombay Experience, il se retrouve nécessairement au cœur de l’orchestre, pièce essentielle à défaut d’être au centre, ce que l’on entend sur le tellement bien nommé « Simple And Complex » lorsqu’il énonce la rythmique dans la pure tradition du sous-continent indien, plongé dans les claviers caniculaires d’Herer. De ceux qui font songer à Jozef Dumoulin.

L’attraction de Bombay Experience reste néanmoins la voix invitée par le maître des lieux. Pour ceux qui n’ont pas l’oreille de Chimène pour le hip-hop de la sono mondiale, le nom de Manmeet Kaur sera une découverte ; pour les autres, une simple confirmation d’un talent dépassant largement son style musical. D’origine penjabie et installée près d’Atlanta, MC Kaur est une voix qui compte et s’intègre parfaitement aux climats d’Alexandre Herer en soulignant la couleur de Bombay sans tomber dans les clichés ou dans la révérence ; la musique de Bombay Experience n’est pas une carte postale, pas davantage qu’une boutique de souvenirs : « I Be Out With Minimum Bucks Left », où l’on retrouve encore Manjunath, a l’odeur de la rue et des allures contemporaines, et le trio de Nunataq est un noyau très soudé et tout en groove. Il y a dans ce morceau une échappée belle de Herer et Mangeard en compagnie du percussionniste qui est la boussole de ce projet.

Le talent du claviériste et de ses camarades réside principalement dans cette capacité à garder le cap d’une musique très raffinée et complexe sans perdre de vue l’immédiateté du hip hop de Manmeet Kaur. « Silence Speaks » est à cette image, avec le clavier fiévreux sur la base lourde et leste qui accompagne l’élégance folle de la chanteuse. Difficile de ne pas succomber à ce disque un poil trop court pour une orgie indienne.