Chronique

André Minvielle

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André Minvielle (voc, perc, mainvielle-à-roue) ; Bernard Lubat (elp) ; Juliette Minvielle (p, voc) ; Fernand Nino Ferrer (b), Frédéric Gastard (bs), Sylvain Bardiau (tp), Matthias Malher (tb)

Label / Distribution : Brouhaha/L’Autre Distribution

Le troubadour béarnais est de retour sur le mode intime, avec son sabir jazz occitan universel. Rentrer dans l’univers de ce chanteur à la verve pyrénéenne peut s’avérer déconcertant pour qui ne maîtrise pas les codes gascons. Pourtant, il sait ici parer son propos d’une musicalité toute babélienne, empruntant aux registres les plus groove, avec basses synthétiques boostées façon gros funk qui tache et percussions créoles entre le Brésil et La Réunion. C’est que le Dédé s’y entend pour mettre le feu aux dance-floors.
Le vocalchimiste a plus d’une pierre philosophale dans son escarcelle jazzistique. Pour décoloniser son propos, il mixe les terroirs dans un grand bastringue populaire, renouant avec l’esprit des afters d’Uzeste Musical, dont il est l’un des piliers. On ne s’étonnera pas de retrouver parmi ses compères Bernard Lubat évidemment, ou encore le trio Journal Intime, pourvoyeur de riffs cuivrés plus que convaincants, voire Ti’bal Tribal avec Fernand Nino Ferrer à la basse (oui, le fils de… à qui un bel hommage est ici rendu !). La « main-vielle à roue », étrange instrument conçu avec le facteur d’instruments toulousain Jacques Grandchamp, entraîne l’auditeur dans une transe acoustique soufflant le chaud et le froid, enrichissant la palette musicale d’une étrangeté bienvenue.
On sera aussi emporté par le souffle vocal de Minvielle, collecteur de traditions chantées de peuples colonisés mais dignes, colporteur de voix trop souvent renvoyées à un registre folklorique ou ethnique. Minvielle est un jazz-thropologue, si l’on peut se permettre ce néologisme lubatien dont on espère qu’il ne le renierait pas ! Nanti d’une palette chantée aux couleurs de l’arc-en-ciel, entre aigus bleutés et basses orangées, ce chercheur esthétique et éthique sait s’éclipser pour laisser au trublion lyonnais Abdel Sefsaf un bon vieux scat des familles, genre dont il est pourtant lui-même un Maître, s’inspirant plus que jamais des chants inuits ou pygmées (l’une des sources des musiques syncopées que l’on aime). Aucune logorrhée ici cependant, mais des propos plus que pertinents, entre échos de collectages (ah ce sample de commentaires de touche d’un match de rugby…), préoccupations climato-écologistes scientifiquement fondées, dialogue irrévérencieux avec le philosophe Adorno (pourfendeur du jazz au nom d’un marxisme biaisé) et bien sûr force hommages aux diversités linguistiques occitanes ! Et si les jazzeux puristes dédaignent cet opus, nous continuerons de notre côté à nous délecter de son « Abide With Me », suprême clin d’œil à Monk, lui-même expert en matière de razzia musicale.