Chronique

Barney Wilen Blue Melody

Yves Buin

Label / Distribution : Castor astral

Alors que le label Elemental Records a récemment réédité les « French ballads » du saxophoniste Barney Wilen (1937-1996), il eût été dommage de passer à côté de cette courte biographie éditée en 2011. On a dit de lui qu’il était le « seul ténor à même de concurrencer les maîtres américains ». Encouragé par Blaise Cendrars à « monter à Paris » alors qu’il se produit dans les clubs de Nice, à peine sorti de l’adolescence, le jeune homme, né d’une mère américaine et d’un père français, conquiert la capitale avec une féroce envie de jazz moderne, au point de se retrouver embauché par Miles Davis sur ce manifeste de l’improvisation qu’est la bande-son du film « Ascenseur pour l’échafaud ». Son sens artistique affûté, ainsi que sa double culture, feront de lui un musicien constamment sollicité, en quête perpétuelle d’ouverture sur le monde.
De son voyage à vocation ethnomusicologique en Afrique, il ramènera un sens du blues universel qu’il investira notamment dans ses incursions dans le free-jazz ou même dans le rock (jusqu’au punk-rock). Dans les années soixante-dix, il trimballera son « burodujazz » dans l’arrière-pays niçois, diffusant un melting-pot joyeusement foutraque dans les villages où fleurissent les communautés utopiques de l’époque.
C’est la bande dessinée « Barney et la note bleue », de Loustal et Paringaux, en 1986, qui le pousse à renouer avec le jazz le plus authentique - il n’a cessé de travailler son instrument en s’inspirant de Lester Young -, jusqu’au succès populaire de l’album « La Note bleue » (1987). Il ne cessera de tourner jusqu’à son décès, à l’âge de 59 ans. Yves Buin a su rendre compte de ce parcours avec érudition et synthèse (sans ignorer la part d’ombre de son addiction aux narcotiques), le tout nanti d’une bonne dose de tendresse.