Anticyclone trio
Dérèglement
Charlène Moura (as, voc), Frédéric Cavallin (d, glockenspiel), Marek Kastelnik (p)
Label / Distribution : Auto Productions
Anticyclone trio raconte des histoires climatiques. Aussi ne sera-t-on pas étonné d’apprendre que le titre du premier morceau, « La Mineure partie du territoire », vient en écho à ce leitmotiv de la présentation météorologique : « sur la majeure partie du territoire… ». Clin d’œil taquin et en même temps militant pour une musique qui envisage la création comme un art total. Mais ce Dérèglement, entendez climatique, n’est pourtant pas un album vert-écolo. Ce serait franchement réducteur, voire racoleur. Il s’agit avant tout d’une esthétique décalée. A ce titre, « Caillou », qui clôt le disque, doit être envisagé comme ce minuscule élément qui désorganise un engrenage tout entier.
L’album se situe en partie dans l’absurde, le clownesque, le néo-trad et on n’est pas loin du mille en disant que les trois musiciens inventent un folklore moderne. Le jeu de Charlène Moura, qui a fait ses classes à Uzeste, comme celui de Marek Kastelnik, sont autant ancrés dans le sol qu’ils sont free. On est très souvent entre la consonance narrative et la dissonance. Et ce n’est pas l’apanage des instruments harmoniques puisque le jeu de Frédéric Cavallin participe grandement de la dramaturgie foutraque et saugrenue. Sans aucun doute parce que ce batteur a un net penchant pour les mélodies. D’ailleurs, lorsqu’on évoque « Saison d’air », où il mène le solo, il se revendique balayeur de nuages.
Le projet est un théâtre de poche qui, sans acteur, ni décor, invite à imaginer. Et de l’imaginaire à l’âme, il n’y a qu’un pas qu’on franchira aisément. Du reste, c’est précisément l’âme d’une femme sénégalaise, nommée « Bassine », que ces empêcheurs-de-tourner-en-rond nous proposent de découvrir dans le morceau qui en porte le titre.
Fait de ritournelles, de motifs qui virent à l’obsession, de sonorités de carillon quand le glockenspiel s’en mêle et d’envoûtement, Dérèglement sonne comme une pièce brechtienne.